Jamais depuis longtemps l’on ne s’était senti aussi vulnérable. L’épidémie de coronavirus nous a rappelé « la profonde vulnérabilité humaine dans un monde qui a tout fait pour l’oublier. Nos modes de vie et tout notre système économique sont fondés sur une forme de démesure, de toute-puissance », comme l’a dit la philosophe Corine Pelluchon*.
Vulnérable, mais pas inactif. Jamais on n’a autant semé que ce printemps. Dès l’annonce du confinement, mi-mars, les semenciers ont dû faire face avec des équipes restreintes à un afflux de commandes – parfois deux fois plus que d’habitude ! L’afflux a été tel que certains ont dû fermer temporairement leur site, pour absorber cette masse de commandes avant de rouvrir.
Semer. Un réflexe logique somme toute, dans ce contexte hautement anxiogène, où tous les repères de notre société ont été bouleversés : chacun voulait faire un pas vers plus d’autonomie, plus de résilience. Nombre de ces commandes n’émanaient pas de jardiniers confirmés qui, souvent, anticipent leurs commandes. Soudain, beaucoup se sont dit qu’il était temps de se mettre à cultiver, pour ne pas dépendre d’approvisionnements potentiellement aléatoires… Réflexe salutaire, car prendre conscience de notre vulnérabilité peut devenir une force. Pour poursuivre avec Corine Pelluchon, « un être qui se croit invulnérable ne peut pas se sentir responsable ni agir en conséquence. L’autonomie, ce n’est pas le fantasme d’une indépendance absolue, hors sol, mais reconfigurée à la lumière de la vulnérabilité, elle devient la résolution de prendre sa part dans les épreuves communes ».
PLUS D’AUTONOMIE POUR PLUS DE RÉSILIENCE
Depuis quarante ans, l’autonomie est une valeur centrale des 4 saisons. Faire soi-même, cultiver son jardin, se contenter de peu sont nos maîtres-mots. Sans oublier de cultiver la solidarité car les deux ne sont pas antinomiques. Justement, les pépiniéristes et les horticulteurs, très touchés par les mesures de confinement, ont besoin de vous. Avec l’annulation des fêtes des plantes, ils ont été nombreux à devoir jeter une partie de leur production. Alors n’hésitez pas : profitez de ce printemps pour vous choisir une belle vivace, une chouette grimpante ou deux ou trois mignonnes succulentes, chez un pépiniériste de votre choix, proche de chez vous ou par Internet si nous sommes encore confinés. Il y a sûrement un petit trou à combler quelque part dans votre jardin ?
* Dans un entretien au journal le Monde, le 24 mars. Corine Pelluchon a écrit Réparons le monde — Humains, animaux, nature, à paraître chez Rivages poche.
Marie Arnould
Crédit photo : J.-J. Raynal