Les cuves souples permettent de stocker un grand volume d’eau et peuvent se dissimuler sous une terrasse. Prévoyez des opérations de terrassement pour que la cuve repose sur une surface plane.
J. Lamacque |
Cet article est extrait du magazine Les 4 saisons hors-série n°37.
Le changement climatique a fortement impacté la pluviométrie en France. Entre 2007 et 2020, plus de 30 % du territoire a été touché chaque année par des restrictions d’usage de l’eau. Pour les jardiniers, l’une des solutions consiste à s’adapter.
Pour concevoir une installation de récupération d’eau de pluie efficace, il faut d’abord s’intéresser aux toitures. Avant de bricoler les gouttières pour stocker l’eau dans des cuves, sortez votre calculatrice. Il vous faut trois éléments : la pluviométrie de votre région(P)*, la surface de votre toiture (S) et le coefficient de perte (CP). La surface de votre toiture est légèrement supérieure à celle du bâtiment au sol (largeur multipliée par la longueur en mètres). Enfin, le coefficient de perte dépend de votre toiture : une toiture plate a un coefficient de perte de 0,6 ; une toiture inclinée de 0,8 ; une en tôles ou ardoises de 0,9. Prenons un exemple concret : ma maison dans le nord de la Vienne. Elle possède un toit de 100 m² en ardoise, la pluviométrie est de 695 litres/m² et donc un coefficient de perte de 0,9. En multipliant P × S × CP, donc 695 × 100 × 0,9, j’obtiens 66 025 litres d’eau récupérable pour une année. Soit 1 270 litres par semaine. Ce chiffre peut vous permettre d’estimer le volume de cuve nécessaire pour conserver une, deux ou trois semaines d’eau de pluie. Si je souhaite stocker trois semaines de récupération d’eau de pluie, alors il me faudra une solution pour capter 3 810 litres d’eau, soit environ 4 m³.
Savoir combien d’eau de pluie vous pouvez récupérer grâce à vos toitures permet de commencer votre installation sur de bonnes bases. Mais ce chiffre ne suffit pas. Le plus important reste de déterminer votre besoin en eau. Il n’est pas judicieux de définir de façon arbitraire la quantité d’eau nécessaire au mètre carré de votre jardin. Ce chiffre dépend de vos pratiques, de vos plantations et des caractéristiques de votre sol. Et l’expérience de votre terrain, de la météo et de vos choix de cultures vous permettront d’ajuster votre installation au fil des saisons.
Dans sa ferme de plantes aromatiques et médicinales, Pauline Vriz a récupéré d’anciennes cuves qui prennent le relais quand son puits est à sec.
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Choisir le bon emplacement
Prenez le temps d’étudier votre installation pour choisir le meilleur emplacement pour vos cuves. Ne négligez pas les granges, les serres et les abris. « Pensez à mettre au maximum les cuves à l’ombre pour éviter la prolifération d’algues dans l’eau stockée », explique Charlyne Bouvet, conseillère irrigation de l’entreprise Serres Val de Loire. « Privilégiez les faces nord des bâtiments, à l’abri de la lumière. » Il est aussi intéressant de concevoir, dès l’installation des cuves, un système de filtration pour éviter que les feuilles ou autres déchets ne s’accumulent. La première chose à faire : nettoyer régulièrement ses gouttières et mettre un couvercle sur les cuves quand elles ne sont pas hermétiques. Vous pouvez installer une crapaudine – appelée aussi filtre à gouttière – sur la descente. Sur la partie accolée au toit, il est possible de rajouter une grille qui va empêcher les débris de se mélanger à l’eau de pluie. Ce petit geste vous évitera bien des déboires ! « Toutes les gouttières de mes toits sont équipées de récupérateurs d’eau », affirme Patrick Lemaire, jardinier à Ternay dans la Vienne. « Je rajoute un grillage avant la descente pour éviter que les saletés ne se retrouvent dans la cuve. J’y mets aussi un morceau de tuyau de cuivre** pour que les algues ne bouchent pas la sortie. » En quarante ans, il a pu mesurer l’impact du changement climatique sur son potager. « Mes quatre cuves de 1000 litres ne me suffisent plus, il faudrait le double aujourd’hui », déplore-t-il. « Si je m’installais dans une nouvelle maison, j’opterais pour une cuve enterrée de 4 000 litres avec une pompe de relevage. L’eau du réseau étant de plus en plus chère, la récupération d’eau de pluie est devenue indispensable ! »
Bidons ou cuve enterrée ?
Il existe autant de récupérateurs d’eau que de jardiniers. Jetez un coup d’œil dans les jardins potagers : vous verrez de vieux bassins, des bidons d’un autre temps ou des cuves flambant neuf. « Les cuves en plastique renforcées par des barres métalliques de 1000 litres [conteneurs IBC] sont faciles à installer et idéales pour un raccordement avec une pompe », suggère Charlyne Bouvet. « Il existe des cuves de 3000 litres qui nécessitent une dalle béton et aussi des citernes souples. L’avantage de la citerne souple, c’est qu’elle peut être posée sous une terrasse mais cela réclame des travaux de terrassement importants qui font vite augmenter le coût d’installation. » Vous pouvez adapter la dimension de votre cuve en fonction de vos besoins, de l’espace dont vous disposez et de votre budget. Mais l’ingéniosité n’a pas de limite : il est aussi possible de recycler des bidons ou autres contenants. Vérifiez simplement que l’objet que vous récupérez n’a pas servi à stocker des produits toxiques. Bien sûr, il n’y a pas que les récupérateurs en plastique, même s’ils sont les plus nombreux et souvent les moins chers dans le commerce. Vous avez peut-être la chance d’avoir de vieux bassins en pierre ou en béton dans votre jardin qui feront de très bonnes cuves et seront souvent plus esthétiques. Pour ne pas enlaidir votre jardin, un conseil : dissimulez votre cuve en plastique, camouflez-la avec des plantes grimpantes ou une canisse en bambou.
Et pendant l’hiver, selon votre situation géographique, il vous faudra protéger votre cuve quand les températures passeront en dessous de zéro. Il existe dans le commerce des bâches thermiques conçues à cet effet et coûtant environ 50 €. Il est également possible d’utiliser tous les matériaux isolants extérieurs comme des plaques de polystyrène mais aussi de simples bottes de foin. Vider les cuves et vidanger la tuyauterie en hiver n’est pas idéal car c’est justement le moment où on peut récupérer un maximum d’eau. À préconiser uniquement en climat rigoureux. Pour la robinetterie, il est possible de la protéger avec des housses ou coques prévues à cet effet (pour environ 10 €).
La récupération d’eau de pluie, c’est souvent du bricolage pour s’adapter au mieux aux bâtiments. Ici, deux cuves superposées reliées aux gouttières de la maison et un plus petit bidon pour récupérer l’eau de la toiture de la serre.
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Pompes ou arrosoirs ?
Dernière étape à ne pas négliger : amener l’eau des cuves jusqu’à votre potager. Un conseil aux néophytes : pensez à surélever votre réservoir, à l’aide de parpaings en béton par exemple, pour pouvoir glisser un arrosoir à la sortie. Certaines cuves de petite taille sont déjà équipées d’un socle. L’arrosoir n’est pas votre seul allié pour arroser. Il existe aussi deux types de pompes à raccorder à votre cuve : les pompes de surface et les pompes immergées ou de relevage. Celles de surface sont installées à proximité ou accrochées au récupérateur. Elles aspirent l’eau et la rejettent vers la sortie. Les pompes immergées sont placées dans l’eau et l’acheminent grâce à la force centrifuge. Vérifiez que votre pompe s’adapte bien à l’ouverture de votre cuve.
La pompe de surface peut s’avérer une solution facile et adaptée aux cuves aériennes de taille moyenne. Olivier Verbruggen, bénévole au sein de l’association La Petite ferme de Gargantua à Lerné, en Indre et Loire, et adepte de la permaculture, réfléchit en permanence à l’utilisation de l’eau pour le potager. « Stocker l’eau en cuve permet d’éviter la saturation du sol et de ne pas épuiser les nappes phréatiques. À la ferme, l’arrosage se fait à la main. Il y a plusieurs jardins et toujours une réserve d’eau à proximité. Grâce à des pompes de surface, l’eau est constamment proche et nous n’avons pas de longues distances à parcourir avec les arrosoirs. »
Pour les réserves enterrées, prévoyez un système de pompe de relevage qui permettra de relier la cuve à des tuyaux d’arrosage ou à un goutte-à-goutte. Il y a aussi l’option de l’arrosage par gravité en surélevant au maximum votre citerne pour générer de la pression. Et si elle n’est pas suffisante, il est possible d’équiper votre cuve d’un kit d’arrosage basse pression. Enfin, pensez à prévoir l’évacuation du trop-plein de vos cuves. Les pompes peuvent vous permettre de distribuer l’eau dans différentes cuves et éviter qu’elles ne débordent. Vous pouvez raccorder une gouttière quand votre cuve est pleine pour dériver l’eau vers les évacuations d’eau pluviale de votre réseau. En perçant la cuve sur le côté à l’aide d’une scie cloche, on peut également installer un trop plein qui vous servira à évacuer l’eau mais aussi à raccorder une deuxième cuve à l’aide d’un tuyau ou de kits à cet effet disponibles dans le commerce.
À la Petite ferme de Gargantua, la gestion de l’eau est au cœur des préoccupations des bénévoles comme Olivier Verbruggen. Chaque année, de nouvelles cuves sont reliées au système de gouttières pour gagner en autonomie.
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Ça coûte combien ?
Il existe tellement d’options qu’il est compliqué de chiffrer une installation de récupération d’eau de pluie. Pour avoir quelques repères, une cuve plastique (type IBC) coûte environ 150 € et une cuve enterrée de 3 000 litres avec raccords 2500 € – prix auquel il faut rajouter les frais de terrassement. Concernant les pompes, celles de surface vous coûteront autour de 70 € ; le budget démarre à 200 € pour une pompe immergée reliée à une citerne enterrée et peut monter jusqu’à 800 €. Vous pouvez étaler les investissements sur plusieurs saisons. « Aujourd’hui, nous arrivons à stocker 6 m3 d’eau mais nous continuons à nous équiper », indique Olivier Verbruggen. « Nous achetons des cuves tous les ans ».
Il existe également des subventions pour l’installation de cuves de récupération d’eau de pluie. Elles dépendent des communautés de communes et les formalités varient à chaque fois. Par exemple, dans la Communauté d’agglomération du Pays basque, la subvention concerne les particuliers comme les entreprises et n’est pas soumise à des conditions de ressources. Elle permet de financer une partie du coût d’achat et d’installation des équipements, selon leur contenance. Pour un stockage inférieur ou égal à 1 000 litres, l’aide versée est de 50 € ; pour les stockages supérieurs à 1 000 litres, l’aide est conditionnée à la déclaration de l’obtention d’une autre subvention publique (Département, État, etc). Dans ce cas, la Communauté d’agglomération du Pays basque rembourse 50 % du reste à charge jusqu’à 1500 €.
Les demandes d’aide à l’achat de récupérateurs d’eau de pluie sont recevables toute l’année et peuvent être réalisées en ligne. (Source : communauté-paysbasque.fr)
Jessica Lamacque
* Pour connaître la pluviométrie de votre commune, regardez sur les sites météorologiques comme Météo France ou la Météo agricole – version payante. Certaines communautés de communes et certaines régions mettent en ligne des études sur la pluviométrie.
** [Cette “astuce” n’est pas scientifiquement prouvée et provient probablement de l’action algicide que l’on prête au sulfate de cuivre, ndlr]