A. Lazarin |
Ces explications sont extraites du livre Mon potager de vivaces (Nouvelle édition) de Aymeric Lazarin.
Vous êtes du genre paresseux et vous pensez que le jardin n’est pas pour vous ? Avoir la main verte nécessite selon vous des efforts au quotidien ? Ou bien peut-être êtes-vous persuadé que les belles récoltes sont réservées aux jardiniers aisés… et que les gens qui ont peu de moyens ne peuvent pas obtenir de beaux légumes ? Peut-être faites-vous partie de ces jardiniers confirmés qui trouvent dommage de recommencer chaque année les mêmes efforts, les mêmes tâches, et vous vous demandez pourquoi le jardin n’est pas comme une maison, que l’on garde d’une année sur l’autre, et que l’on ne cesse d’améliorer, d’agrandir ou de rendre plus confortable ? Vous venez de trouver la solution ! Que vous soyez regardant à la dépense, paresseux ou ambitieux, le potager vivace est fait pour vous !
Des légumes disponibles toute l’année !
Quelle que soit la saison, vous pourrez aller piocher dans votre potager des légumes vivaces. Ainsi, il est par exemple toujours possible de compter sur l’ortie, la roquette vivace, la petite pimprenelle ou la ciboule de Chine pour improviser une entrée en quelques minutes.
Et d’une façon générale, la plupart de ceux qui ne peuvent pas être récoltés tout au long de l’année se conservent bien, que ce soit en terre ou en cave. Les légumes perpétuels peuvent répondre à de nombreux besoins, même en plein hiver, lorsque le jardin est figé par la neige ou par le gel. Ainsi, quand les placards sont vides et que personne n’a eu le temps de faire les courses, les récoltes de topinambour, d’oca du Pérou ou de poire de terre, soigneusement conservées depuis l’automne, peuvent assouvir les plus affamés. Les légumes vivaces sont donc une réelle alternative aux plats préparés, ou aux pâtes, au riz et aux boîtes de conserve qui nous dépannent lorsque le temps et les idées nous manquent au moment de passer à table.
Une découverte culinaire
Par ailleurs, ces légumes gagnent à être connus pour leurs qualités organoleptiques, c’est-à-dire leur qualité en bouche. Texture, saveur, mais aussi aspect et couleur sont autant de particularités qui les rendent si intéressants. Les légumes vivaces offrent un éventail de parfums extraordinaires.
Certains d’entre eux sont uniques, et sont de véritables découvertes pour les palais, alors que d’autres rappellent incontestablement des goûts ou des textures qui peuvent parfois surprendre. C’est le cas par exemple de la poire de terre qui, lorsqu’on la croque, rappelle étrangement le fruit dont est issu son nom, mais dont la saveur est pourtant bien différente. À l’inverse, des espèces comme la petite pimprenelle, dont le goût est proche de celui du concombre, ou la noisette de terre, dont le goût est proche de celui de la noisette, sont surprenantes par leur texture.
Autant dire que ces « nouveaux » légumes – en réalité connus depuis de nombreux siècles – ouvrent d’infinies perspectives de découvertes culinaires, toutes plus originales, exotiques et savoureuses les unes que les autres. Chaque bouchée est alors une invitation au voyage…
Des variétés résistantes et faciles à cultiver !
Par ailleurs, si ces légumes ont tous les atouts nécessaires pour convaincre les plus gourmands (et les plus fins gourmets !), les jardiniers les plus exigeants ne sont pas en reste, et pour cause ! Si les plantes vivaces peuvent vivre plusieurs années, contrairement aux annuelles qui ne vivent qu’une seule saison, c’est qu’elles ont développé des résistances qui leur permettent de faire face à des situations difficiles. Ainsi, et grâce notamment à un système racinaire mieux développé, les légumes perpétuels sont plus solides, et donc moins exigeants. Le potager vivace se rapproche donc du jardin dont nous rêvons tous : un jardin qui demande peu de soins et peu d’entretien, un jardin qui se passe de nous sans difficulté si l’envie nous prend de partir quelques jours en vacances, un jardin qui garantit des récoltes même si l’on n’a pas la main verte… bref, un jardin réussi pour tous, même pour les moins courageux, les moins aguerris et les plus pressés !
Une façon de préserver la biodiversité alimentaire
Depuis le néolithique et le développement de l’agriculture, l’Homme a sélectionné et domestiqué de nombreuses espèces végétales pour se nourrir. C’est ainsi, au fur et à mesure des sélections, des croisements et des adaptations, qu’il a créé une vaste diversité agronomique, aujourd’hui menacée. En effet, notre agriculture est entrée dans une ère productiviste et ne privilégie désormais plus que les espèces à fort rendement. C’est ainsi qu’ont été délaissées de nombreuses espèces (dont les légumes vivaces) aux rendements modestes, mais qui avaient l’avantage d’être adaptées à des contextes précis et d’offrir un « pool génétique » diversifié. On assiste donc aujourd’hui à une véritable érosion de la biodiversité agronomique et à une homogénéisation des cultures à travers le monde.
Ce constat est confirmé par une étude américaine1 portant sur les variétés anciennes de 66 espèces vendues en graineteries. Celle-ci révèle qu’entre 1903 et 1983, le nombre de variétés de maïs vendues est passé de 307 à 12. Le constat est le même pour la tomate par exemple, pour laquelle le nombre de variétés commercialisées est passé de 408 en 1903 à 79 en 1983.
Or en laissant disparaître toutes ces espèces et toutes ces variétés, ce sont des propriétés médicinales, nutritionnelles et culinaires que nous perdons, ce sont des opportunités de jardiner différemment dont nous nous privons, et c’est véritablement le patrimoine de l’humanité que nous sacrifions. C’est – entre autres – pour cela que la culture de légumes perpétuels, au même titre que d’autres cultures peu courantes, doit être encouragée.
Si les légumes vivaces, les légumes anciens ou les variétés originales disparaissent, c’est une part de notre diversité agronomique qui est menacée. En les cultivant, et en les remettant au goût du jour (dans votre jardin tout comme dans votre assiette), vous bénéficierez donc de leurs nombreuses qualités, certes, mais vous lutterez également (sans le savoir peut-être) pour préserver la biodiversité alimentaire.
1 Rural advancement Foundation International, 1983.
Un potager économique
Le potager vivace convient au plus grand nombre, quels que soient leurs moyens !
En effet, s’il est des cultures qui ne coûtent pas cher, et mieux encore, qui engendrent de nombreuses économies, ce sont bien les légumes perpétuels ! Une fois plantés, les récoltes s’enchaînent, se succèdent et s’accumulent. Entre les espèces qui peuvent se récolter en petite quantité tout au long de l’année, et celles qui donnent d’abondantes productions à une (voire deux) période(s) de l’année, le garde-manger ne sera jamais vide.
De plus, comme ils sont très faciles à multiplier et à renouveler, les légumes vivaces pourront rapidement être étendus à d’autres parcelles et à d’autres jardins sans que l’achat de nouveaux plants ou de semences soit nécessaire. Ils pourront ainsi séduire des parents ou des amis qui n’auront, à leur tour, rien à dépenser pour les cultiver, les cuisiner, les multiplier… et ainsi de suite.
Un potager qui suit le cycle des saisons
Au-delà de ces préoccupations purement économiques, le potager vivace réconcilie la production de légumes avec la nature.
Non seulement il est parfaitement adapté à une culture biologique, excluant toute utilisation de produits chimiques et d’engrais synthétiques, mais il permet également de réapprendre au jardinier à respecter le cycle des saisons et le rythme des plantes. Les légumes perpétuels ne sont pas cultivés durant une saison pour garantir une seule et abondante récolte avant l’hiver, comme c’est le cas avec les espèces annuelles et les méthodes de culture conventionnelle. Au contraire, les légumes perpétuels doivent être entretenus, accompagnés au fil des saisons, afin de garantir des récoltes régulières et raisonnées, sans compromettre celles à venir. La mise en place d’un potager vivace est donc un engagement sur le moyen, voire le long terme !
Plus qu’un potager… des massifs ornementaux comestibles !
Enfin, le potager vivace présente un dernier avantage, et non des moindres ! Bien que l’évolution des sociétés et des mentalités ait peu à peu éloigné et isolé les jardins vivriers des jardins d’ornement, rien ne nous empêche aujourd’hui de les marier de nouveau.
Et pour cela, les plantes vivaces sont des alliées de taille. Nombre d’entre elles sont à la fois ornementales et comestibles. Les rosiers, les lys, les épilobes ou les roses trémières sont autant d’espèces vivaces dont les qualités esthétiques sont reconnues et qui peuvent également être consommées.
Voilà une bonne raison de décloisonner les potagers et les jardins d’agrément, pour que tous puissent remplir des fonctions alimentaires tout en jouant un rôle décoratif.
Fort de tous ces avantages, le potager vivace n’est pas seulement une proposition utile et agréable aux jardiniers en herbe… il constitue véritablement une alternative sérieuse aux pratiques conventionnelles, dans un contexte où les enjeux écologiques, sociétaux et humains sont désormais des priorités.
Aymeric Lazarin