La fleur de cerisier éclate d’un blanc pur, la couleur préférée des abeilles.
U. Westphal |
Ce contenu est extrait du livre Manuel d’apiculture douce de Undine Westphal.
LA VISION
La vue se situe au niveau de l’œil. Si vous avez été attentif en cours de biologie, vous savez que l’abeille possède des yeux à facettes, entre 4 000 et 8 000 suivant le type d’individu. L’abeille voit des images légèrement pixelisées, elle perçoit donc bien les surfaces colorées homogènes, mais la netteté n’est pas son truc. Elle est meilleure pour percevoir les structures. Sa vision des couleurs diffère aussi de la nôtre : le rouge lui apparaît noir et le vert, gris. Elle est très attirée par le blanc, ce qui n’est pas surprenant, car les grandes floraisons printanières comme celles des arbres fruitiers sont souvent blanches. Les abeilles voient aussi très bien dans les ultraviolets (UV), cette lumière noire des discothèques de jadis. Les UV révèlent aussi les guides du nectar, ces lignes situées à la surface des pétales, indiquant aux abeilles le chemin des nectaires. Pour les voir, munissez-vous d’une lampe de poche à UV (les passionnés d’escape game sauront de quoi je parle), cueillez différentes fleurs et éclairez-les dans un endroit obscur (attention, les UV peuvent causer des lésions au niveau de la rétine !).
De plus, l’abeille possède trois petits yeux sur le front, bien visibles à la loupe : les ocelles. Ils ne forment pas d’image mais perçoivent l’intensité de la lumière, ainsi que la lumière polarisée. Les abeilles sont ainsi en mesure de s’orienter d’après la lumière du ciel, même si le soleil n’est pas visible, et de rentrer à la ruche avant la nuit. Une abeille est incapable de voler de nuit et deviendrait une proie facile pour les animaux nocturnes ; elle n’est en sécurité qu’à l’intérieur de la ruche.
Les guides du nectar sont bien visibles à la surface des pétales de la parnassie des marais.
U. Westphal |
LE GOÛT
L’organe du goût est localisé sur la langue, la trompe et les pattes antérieures. Comme les mouches, les abeilles sont capables de marcher dans le nectar et de mesurer avec précision sa teneur en sucre : s’il n’est pas assez sucré, elles ne se donnent même pas la peine de le boire. À son retour à la ruche, la butineuse danse sur les rayons pour informer les autres de sa découverte. Ce faisant, elle leur communique la localisation des fleurs et la qualité du nectar, régurgitant des gouttelettes qu’elle partage avec ses sœurs pour le leur faire goûter. Celles-ci savent ainsi ce qu’elles doivent chercher. La danse des abeilles inclut toujours une dégustation de nectar.
L’OUÏE
L’ouïe est inexistante chez les abeilles. Si elles n’entendent pas, c’est parce qu’elles n’ont pas d’oreilles. En revanche, elles perçoivent les vibrations au niveau des pattes antérieures. Quand une abeille danse sur le rayon pour indiquer la localisation d’une floraison, ses auditrices tombent « à genoux » pour percevoir ses vibrations. Il ne vous sert donc à rien de leur parler, à moins d’avoir une voix grondante. Mais attention à ce qu’elles ne vous prennent pas pour un ours.
Ce que les abeilles perçoivent, en revanche, c’est votre façon de travailler. Elles seront détendues si vous faites des mouvements calmes, si vous posez les hausses avec douceur et si vous ne farfouillez pas dans la ruche comme si vous déchargiez une benne de gravier. Les abeilles ont des cellules sensorielles qui perçoivent votre humeur et y réagissent. Si vous êtes calme, elles le seront aussi.
LE TOUCHER
Le toucher est l’apanage des poils tactiles : ces organes sensoriels propres à de nombreux insectes, présents sur la totalité du corps de l’abeille, qui réagissent un peu comme notre peau. Grâce à ces poils, elle perçoit le moindre souffle d’air. Mais c’est surtout dans l’obscurité de la ruche que ce sens acquiert toute son importance. Non seulement les abeilles y bâtissent leurs rayons au cordeau, mais elles y emmagasinent nectar et pollen sans en mettre à côté. Elles nourrissent également les larves sans baver et se meuvent avec aisance sans se bousculer ni se heurter frontalement (même si sur ce point, cela n’est pas toujours le cas…). Les chats se déplacent dans le noir grâce à leurs moustaches et à leur vision nocturne, les abeilles se déplacent entre les rayons avec précision grâce aux poils de leur corps.
L’ODORAT
L’abeille étant dépourvue de nez, on peut se demander à juste titre où se cache son sens de l’odorat. Une fois encore, elle nous devance largement. Ce sont ses antennes qui perçoivent les odeurs, et comme elles sont mobiles, l’abeille ne dispose pas seulement de deux « nez », mais de deux nez mobiles. Elle peut ainsi sentir quasiment en 3D et savoir, non seulement d’où provient une odeur, mais aussi là où elle commence et là où elle s’arrête. Super pratique ! Malgré son absence de nez, l’abeille a ainsi un meilleur odorat que le chien.
SENS PARTICULIERS
Les sens décrits jusqu’ici ne sont jamais que les cinq sens que nous possédons également. C’est maintenant que cela devient intéressant. L’abeille possède dans ses antennes un compteur de vitesse et sait à chaque instant à quelle rapidité elle vole. Elle a même une astuce pour économiser son énergie : en vol rapide, elle désactive sa vision en couleurs et ne la réactive qu’en ralentissant, à proximité des fleurs à visiter afin de pouvoir s’orienter localement.
Dans ses antennes se cache un hygromètre qui permet à l’abeille de mesurer précisément l’humidité résiduelle du miel avant de l’operculer, ainsi qu’un thermomètre d’importance vitale qui évite qu’elle ne sorte à l’extérieur en dessous de 10 °C, sans quoi elle ne survivrait pas. Ses antennes lui servent aussi de mètre ruban pour construire les cellules et les rayons. L’abeille a de surcroît un sens de l’orientation complexe qui lui permet de retrouver sa ruche même à plusieurs kilomètres. Enfin, elle possède un sens de l’équilibre qu’elle utilise notamment pour bâtir les rayons de haut en bas.
À l’exception de l’équilibre et de la température, ces sens spéciaux ne nous sont accessibles qu’à l’aide d’instruments électroniques, eux-mêmes fonctionnant grâce à l’électricité (encore faut-il qu’ils soient portatifs). Score : 1-0 pour l’abeille.
Quand il fait trop chaud à l’intérieur de la ruche, les abeilles la refroidissent avec de l’eau et des battements d’ailes.
U. Westphal |