« Dans les cimetières de Versailles, les orchidées sont de retour. Un matin, on a même trouvé des renardeaux. Et le retour des fleurs sauvages permet de produire du miel, que l’on offre aux jeunes mariés de la commune », témoignait Cathy Biass-Morin, directrice des espaces verts de Versailles, lors du colloque “Loi Labbé, bilan et perspectives” organisé au palais du Luxembourg, le 29 octobre dernier. Un colloque sur le zéro phyto dans une enceinte telle que le Sénat, peu connu pour ses élans en faveur de la protection de la nature ? L’événement est suffisamment rare pour être souligné. Impulsé par l’association Noé et le sénateur Labbé, initiateur de la loi interdisant l’utilisation des produits phytosanitaires par les collectivités locales dès 2017 et par les jardiniers amateurs depuis janvier 2019, il a permis d’en tirer un premier bilan.
Un extraordinaire changement de mentalité est en cours : peu à peu, les habitants acceptent le retour de l’herbe en ville. En 2015, sachant d’avance que s’il les incluait, sa loi ne serait pas votée, Joël Labbé avait exclu les cimetières, les terrains de sport et les parkings des magasins du champ d’application de l’interdiction des pesticides. Aujourd’hui, les habitants interpellent l’Association des maires de France pour savoir pourquoi ces zones ne sont pas concernées. Bien sûr, tout n’est pas idyllique. Chez les jardiniers amateurs, une posture fréquente est de vouloir remplacer un produit par un autre, parfois sans se préoccuper des impacts. Fleurissent ainsi sur Internet des conseils pour utiliser le sel ou le vinaigre pour désherber, voire la redoutable eau de Javel, un dérivé du chlore ultratoxique pour tout être vivant !
ZÉRO PHYTO, ZÉRO MOYEN
Autre constat, celui du criant manque de moyens dévolus à l’application de la loi. Que ce soit dans la formation, dans la surveillance sanitaire des végétaux – où les crédits de l’État et des agences de l’Eau sont en baisse –, ou pour la recherche-développement en matière d’alternatives aux pesticides. Non seulement il n’existe aucun crédit impôt-recherche dans ce domaine, mais il faut débourser entre 2 et 3 000 € pour une autorisation de mise sur le marché ; une PME du secteur témoignait que, faute de budget, elle ne pouvait déposer que deux à trois demandes par an alors qu’elle étudiait 60 à 70 molécules intéressantes… Mais regardons la partie pleine du verre : le contexte est favorable à l’extension de la loi Labbé au niveau français (cimetières, terrains de sport, copropriétés) et en Europe. À suivre !
Marie Arnould
Crédit photo : J.-J. Raynal