Les noix de lavage sont une alternative durable et écologique aux lessives traditionnelles.
Q. Thomas |
Les composants à la loupe
Une lessive chimique
Grosso modo, une lessive conventionnelle contient : 20 % de tensioactifs (les agents lavants, qui sont les plus toxiques) ; des anticalcaires, ou complexant (qui empêchent le calcaire de compromettre l’action des agents lavants) ; des agents de blanchiment, qui détruisent les taches non grasses ; des enzymes (protéines actives qui attaquent les taches grasses), des parfums, des colorants… Depuis octobre 2005, la réglementation européenne impose une transparence accrue sur la composition.
Une lessive écologique
Les tensioactifs des lessives écologiques proviennent de matières premières végétales renouvelables (sucre, huile de coprah, d’olive…) ou minérales (silice, craie, argile…). À la différence des dérivés pétrochimiques utilisés dans les lessives conventionnelles, leurs molécules se dégradent entièrement et ne sont pas nocives pour l’environnement.
Les enzymes permettent de réduire la quantité de tensioactifs. Mais les enzymes OGM des lessives classiques, en restant actives sur le linge sec, peuvent provoquer des allergies. Non modifiées génétiquement, les enzymes utilisées dans les lessives écologiques sont en revanche détruites lors du lavage. Certains fabricants, comme Sonett ou Écover, refusent d’avoir recours à de telles enzymes allergisantes.
Les anticalcaires : les lessives écologiques proscrivent tous les phosphates, principaux responsables de l’eutrophisation des cours d’eau (prolifération d’algues et appauvrissement de cet écosystème). En remplacement, elles intègrent des adjuvants, tels que les citrates, bicarbonates ou zéolithes.
Les agents de blanchiment : les lessives écologiques emploient du percarbonate de sodium, inoffensif, à base de soude et d’eau oxygénée. Outre des blanchissants comme le perborate, de nombreuses lessives conventionnelles font appel aux azurants optiques, allergènes, qui reflètent une partie des UV et suggèrent ainsi un linge plus éclatant.
De plus, les parfums et colorants de synthèse, superflus et souvent irritants, sont proscrits dans les lessives écologiques. Les parfums de ces dernières sont extraits d’huiles essentielles naturelles pures, voire bio. Différemment, les lessives classiques utilisent des agents de synthèse dérivés du pétrole, moins biodégradables, et parfois même toxiques pour l’homme.
Pour un lessive économique et fait maison
Économiquement rentable
Pour une efficacité optimale, respectez les consignes d’utilisation du fabricant. Pour les taches rebelles, ayez recours à des détachants : percarbonate de sodium ou savon au fiel (pour le blanc et les textiles grand teint…). Adaptez la quantité de lessive à l’état de saleté de votre linge et à la dureté de votre eau. Le tambour est rempli correctement quand il reste un espace de la taille d’un poing au-dessus du linge sec. En disposant dans ce dernier des balles, ou des battoirs de lavage en élastomère, vous économiserez 30 % d’eau et 20 % de lessive. En revanche, par leur action mécanique, vous userez plus vite le linge. Enfin, choisissez la température recommandée la plus basse pour limiter la consommation électrique. Privilégiez les marques qui proposent des éco-recharges, et faites l’impasse sur l’assouplissant, superflu et allergisant !
Lessives “maison” écologiques
Des « recettes de grand-mère » existent pour fabriquer à la maison ses lessives. L’ingéniosité permet ici d’alléger le porte-monnaie.
- Au savon de Marseille : dans un bocal en verre, mélangez 30 g de savon de Marseille « vrai » râpé, 15 gouttes d’huile essentielle ou de landin (facultatif), et 1 litre d’eau bouillante. Remuez et laissez se figer pendant une nuit. Pour une consistance plus liquide, on peut diluer davantage le produit. Prévoir ½ verre par lessive.
En plus, le savon de Marseille humide est un détachant universel pour tout type de textile !
- À la cendre de bois : cette technique est ancestrale ! Récupérez de la cendre. Passez ensuite 50 grammes au tamis (à l’aide d’une passoire) et les déposer dans un bocal en verre, dans lequel on ajoute 1 litre d’eau. Laissez macérer pendant une nuit puis filtrez. Vous aurez besoin de 4 verres par lessive. Le résultat final peut ensuite se conserver pendant une semaine à température ambiante.
Autrement, testez les noix de lavage. Une lessive 100 % végétale est totalement biodégradable (les coquilles peuvent être jetées au compost après utilisation). Elle agit grâce à sa forte teneur en saponine (10,1 %) du péricarpe de ses petites noix.
La lessive aux noix de lavage
L’arbre aux noix de savon
Très répandu au Népal et dans plusieurs états du nord et du sud de l’Inde, “l’arbre aux noix de savon” possède une richesse reconnue depuis des siècles par les indiens. Ces derniers l’utilisent traditionnellement comme savon, shampoing ou lessive. Les noix disposent par ailleurs de vertus médicinales, employées en médecine ayurvédique. D’autre part, la poudre issue des graines aurait des vertus insecticides.
Bien adaptées aux machines à laver
Les noix de lavages sont utilisées depuis plusieurs siècles en Inde.
A. Bosse-Platière |
Les coques de ces noix sont vendues en sacs d’un kilo (le sac coûte environ 19 €, en vente dans de nombreux magasins de produits bio). Cette quantité suffit en principe à assurer les deux ou trois lavages hebdomadaires d’une famille de quatre personnes pendant un an. Quatre à six moitiés de coquilles sont suffisantes pour une machine de 5 kg. En outre, elles peuvent être réutilisées une seconde fois. Les noix moussent uniquement dans de l’eau chaude, donc aucune inquiétude pour le rinçage.
Leurs performances de lavage sont bonnes, elles respectent les couleurs et s’avèrent particulièrement économiques. Le linge est souple, sans odeur particulière. Élisabeth, plutôt regardante sur la propreté, a été l’une des premières utilisatrices. Elle préfère augmenter les doses : 8 à 10 moitiés de noix pour sa machine de 6 kg. Cela reste encore très économique. Si le linge est sale, elle ajoute une cuillère à soupe rase de sel détachant (15 g). À 80 °C, même les taches de mûres ont disparu de ses torchons.
Ce procédé libère de l’oxygène actif, sans danger pour l’environnement.
Des noix écologiques jusqu’au bout ?
À présent, la réflexion tend à questionner les conditions dans lesquelles les noix sont récoltées en Inde, et quel peut être l’impact de l’exportation d’importantes quantités. En vérité, les informations obtenues auprès de l’importateur, la société Pural (67, Ostwald), et des expéditeurs indiens, sont plutôt rassurantes. Les écorces des noix de Ritha proviennent de l’État d’Himachal Pradesh, où ces arbres sont largement répandus. Le ramassage des noix, soumis à l’autorisation de l’administration forestière locale, se fait en novembre. Ni les arbres (qui vivent environ 70 ans), ni la forêt ne subissent de dégradations.
Les populations rurales de cette région pauvre apprécient le complément de revenu que ce commerce leur procure. Par ailleurs, le ramassage, l’ouverture des noix et le conditionnement des coques n’impliquent aucun travail d’enfants. Enfin, l’expédition se fait par bateau à des coûts raisonnables grâce au faible poids du produit. Mais les clients des magasins bio apprécieraient certainement que tout cela soit certifié par un label reconnu de commerce équitable.
Catherine Levesque, Alexandra Thomas et Antoine Bosse-Platière