La chrysope
Toute frêle et habillée d’une belle robe vert vif qui vire au rose ou au brun à l’automne quand elle cherche à se réfugier dans les bâtiments pour passer l’hiver, la chrysope mérite bien son nom populaire de demoiselle aux yeux d’or. Mais les entomologistes du XVIIIe siècle l’avait surnommée à juste titre le “lion des pucerons” : à la belle saison, la larve et l’adulte en dévorent des centaines pour se nourrir. Pas étonnant que la chrysope soit élevée en masse et vendue pour protéger les cultures sous serre.
Respectez le sommeil hivernal des chrysopes réfugiées dans les bâtiments non chauffés et ouvrez porte ou fenêtre à la fin de l’hiver pour leur permettre de ressortir. Transférez celles qui se sont égarées dans une pièce chauffée vers un endroit non chauffé, sinon elles épuiseront trop tôt leurs réserves. Vous pouvez aussi leur installer des abris. Elles sont très fragiles : les saisir entre les doigts peut les écraser. Prenez un pinceau, mouillez-le de salive et posez-le sur le dos de l’insecte. Il restera collé et vous pourrez le mettre dans une boîte sans dommage.
L’osmie
Un insecte replet et poilu, à l’abdomen roux vif, passe et repasse au printemps devant la fenêtre pour s’introduire dans le trou d’évacuation de l’eau ? Pas de doute, une osmie en manque de logement a décidé de squatter l’endroit. Cette abeille solitaire apparaît au début du printemps. Elle butine avec assiduité les premières fleurs du jardin, notamment celles des arbres fruitiers, pour se nourrir et pour fabriquer la pâtée de pollen et de nectar qui nourrira ses larves. Ce faisant, elle assure une bonne pollinisation.
Dans la nature, elle installe ses cellules dans les trous d’émergence des insectes mangeant le bois mort. Dans les jardins modernes, elle dispose d’une abondante nourriture mais souffre cruellement d’une pénurie chronique de logement, d’où son intérêt pour le trou des fenêtres. Offrez-lui un bloc de bois dur et non traité, percé de quelques trous de 8 mm de diamètre, ou bien une botte de tiges creuses d’un diamètre équivalent. Votre nichoir sera aussitôt occupé.
Les pemphrédons
Taille de guêpe réglementaire, tête massive et carrée, le petit moucheron noir qui s’active en remuant des antennes sur la tige de fève est en fait un pemphrédon. Une demi-douzaine d’espèces fréquentent les jardins. Les femelles aménagent leurs cellules dans des endroits variés : tiges pleines de moelle tendre ou creuses, bois pourri et friable, galles. Elles accumulent des pucerons et parfois des cicadelles paralysés pour nourrir leurs larves, à raison de 30 à 40 individus par cellule. Ces gros consommateurs de pucerons sont ainsi une aide précieuse pour les jardiniers naturels.
Une haie libre champêtre, du bois mort laissé à pourrir dans un coin, des arbustes à moelle taillés (ronce, rosier, sureau…), des fleurs de carotte et autres ombellifères, offrent nourriture et logement aux pemphrédons. Dans un jardin trop propre, ou très grand, des bottes de tiges à moelle fixées horizontalement et verticalement sur de petits piquets, réparties dans les parterres, permet de les fixer à proximité immédiate des cultures à protéger.
Le carabe
Au verger, tout comme dans le jardin potager, on aime beaucoup les carabes. Et pour cause ! Ces insectes carnassiers sont capables de trouver et de dévorer les larves du balanin des noisettes, enfouies dans le sol. Ils mangent aussi pas mal de chenilles du carpocapse des pommes et des poires, quand elles descendent dans le tapis herbacé pour leur nymphose.
Aussi, pour favoriser les carabes, conservez les vieilles souches sous lesquelles ils aiment hiberner. Vous pouvez même placer une souche un peu pourrie, partiellement enterrée, dans un coin du jardin. Elle intéressera de nombreux locataires !
La coccinelle
“Cherche jardinier sympa offrant le gîte et le couvert. Propose en échange coup de main pour débarrasser son jardin des pucerons et autres suceurs de sève”.
Figure emblématique du jardinage bio, la coccinelle ne demande qu’à vous rendre service pourvu que vous la chouchoutiez. Qu’elle ait deux, sept ou quatorze points – sa famille est nombreuse ! -, la coccinelle raffole des pucerons. Larves et adultes sont d’ailleurs tout autant efficaces. Les larves de la coccinelle rouge à 7 points, par exemple, consomment environ 600 pucerons tout au long de leur croissance !
Deux à quatre générations se développent tout au long de l’année, selon les espèces et selon les régions. Les coccinelles adultes se mettent dès l’été en vie ralentie, hibernent à côté des cultures, ou trouvent refuge dans les habitations, dans des fissures autour des fenêtres ou des murs. Pour favoriser leur présence, cultivez une parcelle d’orties qui offrira gîte et couvert, installez des plantes pérennes qui leur serviront d’abri et laissez sur place débris de plantes, tiges creuses, amas de feuilles…
L’abeille domestique
Faut-il encore présenter l’abeille, cette extraordinaire pollinisatrice ? Dans les régions tempérées, elle assure à elle seule jusqu’à 85 % de la pollinisation des plantes à fleurs. Cela s’explique par son adaptation poussée à la récolte de pollen, qui lui sert à nourrir ses larves.
Avec ses poils branchus, ses peignes et ses corbeilles, tout son corps et son comportement ont évolué dans ce but précis. Avec l’évolution du climat, elle a tendance à se réveiller tôt en fin d’hiver, pour partir en quête de nourriture. Or le jardin est souvent désespérément vide à cette saison. Pour l’aider à attendre les floraisons abondantes, vous pouvez lui donner un coup de pouce en installant chez vous des vivaces et des arbustes à floraison précoce : le cornouiller mâle (Cornus mas), qui fleurit abondamment en brouillard jaune clair, le mahonia, les chèvrefeuilles d’hiver et les bruyères…
Le bourdon terrestre
Reconnaissable à son derrière tout blanc, le bourdon terrestre est l’un des plus communs du jardin et l’un des plus précoces. Alors que les abeilles rechignent au printemps à sortir par temps froid et gris, la femelle “cul blanc” s’aventure dès la fin février à la recherche des rares fleurs déjà ouvertes : chatons de saule, prunellier, lamier pourpre, pissenlit, pulmonaire…
Besogneuse toujours active, cette future reine est en quête d’un trou dans le sol ou sous le plancher de la cabane du jardin, ou d’un ancien terrier de mulot, pour y fonder une nouvelle colonie, qui atteindra en été 400 à 500 bourdons. Nourrir ce petit monde nécessite d’incessantes allées et venues vers les fleurs de framboisier, fraisier, tomate, aubergine, pois et tant d’autres fleurs sauvages et cultivées des haies, pelouses et massifs… Sans ces insectes placides, la production potagère chuterait dramatiquement. Rien que d’y penser, ça donne le bourdon !
L’aphidius
Dans la catégorie taille mini mais qui fait le maximum, l’aphidius est un champion. Cet insecte de quelques millimètres appartient au même ordre des insectes hyménoptères que l’abeille ou la guêpe.
L’adulte passe totalement inaperçu, d’autant qu’il butine à peine. La femelle pond ses œufs, plusieurs centaines, dans le corps des pucerons, à raison d’un œuf par puceron. La larve consomme l’intérieur du puceron, qui cesse peu à peu de s’alimenter et meurt, juste au moment de la sortie de la larve qui se transforme alors en un nouvel aphidius adulte. On les repère au stade de larve parasitoïde, car le puceron parasité devient gros comme une tête d’épingle. D’autres espèces de micro-hyménoptères parasitent les chenilles de piérides du chou, les noctuelles, les pyrales du maïs, les chenilles mineuses des feuilles ou encore les aleurodes… Pour les favoriser, laissez le maximum de pucerons et de chenilles sur des plantes qui ne craignent rien, et conservez des plantes sauvages, lotier ou achillée.
Le syrphe
Il ressemble à une guêpe, il vole vite comme une guêpe, sauf qu’il adore faire du sur-place au dessus d’une fleur et changer brusquement de direction, mais ce n’est pas une guêpe. C’est une mouche, butineuse et pollinisatrice au stade adulte.
Ses larves sont des asticots, carnassiers boulimiques qui consomment du printemps à l’automne toutes sortes de pucerons par centaines, notamment ceux que les coccinelles délaissent, comme le puceron cendré du chou. La plupart des espèces hivernent cachées sous les paillis et les plantes basses qui couvrent le sol, d’autres sous forme de pupe, sorte de larve immobile accrochée à une feuille ou une tige. Les adultes réapparaissent dans le jardin dès les premiers beaux jours. Si le pollen et le nectar abondent, ils pondent de nombreux œufs dont sortent les larves prédatrices. Plusieurs générations se suivent jusqu’en octobre, avec une apogée en été. Pour les attirer, il faut des fleurs en fin d’hiver, au printemps, en été et jusqu’en automne. Couvrez la terre et laissez le plus de débris végétaux possible.
Le staphylin odorant
Discret et nocturne, ce gros coléoptère noir bleuté est un redoutable carnassier. Un dur qui n’hésiterait pas à jouer l’intimidation, en relevant son abdomen à la manière d’un scorpion, si vous le débusquiez par hasard sous une pierre, des feuilles mortes, des rondins ou un fagot de branches, où il se réfugie dans la journée. Ce petit gourmet apprécie les escargots, les limaces et leurs œufs, pondus en automne et au printemps dans les premiers centimètres du sol. Une sorte de caviar de mollusques. Autant de moins dans le jardin ! Il apprécie aussi les larves d’insectes qui s’animent la nuit dans la litière du sol. Certaines espèces ont une préférence pour les larves de la mouche du chou. On lui pardonnera bien volontiers d’aimer aussi les vers de terre : nul n’est parfait !
Pour l’attirer et le protéger, ménagez-lui des abris permanents, évitez de trop nettoyer le jardin, couvrez la terre de paillis. Les carabes, autres coléoptères auxiliaires, profiteront aussi de cette bienveillance.
Les guêpes
Même les guêpes sont utiles au jardin, malgré leur mauvaise réputation. Pourtant, la grande majorité des espèces de cette famille est parfaitement pacifique.
Au jardin, leur présence est bénéfique : une guêpe solitaire du genre Passaloecus peut capturer jusqu’à la modeste quantité de 1 500 pucerons durant les quelques semaines de sa vie, tandis qu’une guêpe sociale (celles que l’on voit le plus souvent) mange en moyenne 1 000 mouches et 1 000 chenilles ! Pour les attirer, semez du fenouil.
La grande sauterelle
Très discrète malgré sa taille impressionnante, la sauterelle verte fréquente le jardin au cours de l’été. Il n’est pas rare de la surprendre sur les légumes du potager, à la recherche de petites proies. Car, comme la plupart de ses “cousines”, telle la sauterelle verte du chêne, elle est principalement carnivore. Oh, pas de quoi mettre en déroute une armée de pucerons ! Mais cette prédatrice sera un renfort de choix aux côtés des coccinelles et des syrphes.
Dotée d’une mâchoire puissante (attention aux doigts !), elle n’hésite pas à chasser du “gros”, comme des larves de doryphore et des chenilles. Les sauterelles se distinguent des criquets par leurs longues antennes. Les femelles sont munies d’un long “sabre” à l’extrémité de leur abdomen. À la fin de l’été, juste avant de mourir, elle s’en serviront pour pondre leurs œufs dans la terre. Une bonne raison pour ne pas travailler la terre là où ce n’est pas nécessaire et protéger ainsi leur descendance.
Le perce-oreille
Le perce-oreille est un fameux auxiliaire, consommateur de pucerons et de psylles. On peut toutefois lui reprocher d’aimer les fruits bien mûrs (presque pourrissants), et il est malvenu dans les pêchers, les abricotiers ou les pruniers.
Faites d’une pierre deux coups : installez des pots de fleurs retournés, remplis de paille, dans les arbres à noyaux, avant la maturité des fruits. S’ils sont occupés par des perce-oreilles, transférez-les sur les pommiers ou toute autre plante parasitée par les pucerons. Ils assumeront avec plaisir ce changement de poste !
Vincent Albouy, Denis Pépin, Brigitte Lapouge-Déjean, Pierre Bertrand, Marie Arnould et Alain Pontoppidan