Les éléphants se souviennent où et comment aller aux endroits où ils ont trouvé de la nourriture ou de l’eau.
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Avez-vous déjà entendu parler de l’histoire du chien japonais Hachikō, qui, durant près de 10 ans, attendait quotidiennement son maître à la gare de Shibuya, alors que celui-ci avait trépassé sur son lieu de travail ? Chaque matin, le chien accompagnait son maître prendre le train, rentrait au domicile, puis retournait à la gare le soir pour raccompagner son maître chez eux. Un jour, le maître ne rentra pas ; le chien continua pourtant les allers-retours quotidiens. Loyauté et fidélité, mais aussi mémoire et compréhension du temps qui passe ?
Selon la scientifique Alexandra Horowitz, l’olfaction des chiens pourrait en effet « leur permettre de percevoir le temps ». Lorsqu’une personne quitte la maison pour partir travailler, son odeur s’affaiblit au fil des heures. Si cette personne rentre à des heures fixes, par répétition, le chien pourra savoir, lorsque l’odeur atteint un certain degré, que la personne va rentrer, indique-t-elle. Ainsi, contrairement à l’étude de W. A. Roberts, au début des années 2000, qui considérait que les « animaux [n’ont] aucune notion du temps, et donc [sont] incapables de s’appuyer sur leurs souvenirs et leurs connaissances pour planifier leur futur, des données comportementales, appuyées par des analyses du fonctionnement cérébral ont montré qu’il n’en était rien, notamment chez les mammifères et les corvidés capables d’anticiper et d’organiser leur environnement futur », explique Robert Jaffard, neurobiologiste spécialisé dans l’étude de la mémoire. Pour l’Observatoire B2V des mémoires – spécialisé depuis 2013 sur les différents types de mémoires, individuelle, collective, numérique ou animale –, « chaque espèce a sa mémoire, toutes les espèces vivantes possèdent une mémoire, parfois très spécialisée, qui les aide à vivre et à survivre dans leur environnement. Tous les animaux sont dotés d’une mémoire qui peut, dans certaines situations se révéler plus efficace que la nôtre ». L’Observatoire a d’ailleurs élaboré, en collaboration avec ART’M, Memorya : une plateforme interactive sous forme de jeu documentaire scientifique pour découvrir les mystères de la mémoire, et notamment celle animale.
Si la mémoire humaine se distingue par « la complexité de ses différentes composantes et par l’intégration des différentes catégories de souvenirs, […] pour certaines caractéristiques de la mémoire comme la mémoire spatiale, beaucoup d’animaux montrent des performances supérieures à celle de l’espèce humaine », signale l’Observatoire. En effet, les saumons savent retrouver la rivière de leur naissance, de même que les tortues marines « traversent les océans sur parfois des centaines de kilomètres pour retrouver la plage où elles sont nées ». Les écureuils comme les geais retrouvent les endroits où ils ont caché leur nourriture, alors que les éléphants se souviennent, sur de longues distances, où et comment aller aux endroits où ils auraient préalablement trouvé de la nourriture ou de l’eau, voire « apprendre ces chemins de leurs congénères ». Même chose pour les abeilles, qui, quittant la ruche pour aller butiner, savent en retrouver le chemin. Les poissons rouges quant à eux disposent « d’une mémoire à long terme très efficace, probablement d’une mémoire relationnelle, d’une mémoire spatiale [et] d’une mémoire émotionnelle. Par exemple, les femelles d’Amatitlania siquia, une espèce de poisson monogame, ont des “chagrins d’amour” qui les rendent “pessimistes” », constate l’Observatoire. Comme quoi, avoir une mémoire de poisson rouge, c’est plutôt avoir une bonne mémoire !
Madeleine Goujon