Le design permet de délimiter différentes zones, en fonction des usages et de leurs interactions.
S. Anderson |
Système intensif qui entend demander moins de travail, la permaculture est néanmoins très laborieuse lors de ses premières – et cruciales – étapes. Nous avons souvent été débordés. Je conseille donc de commencer avec un petit projet proche de la maison avant de “rayonner” vers l’extérieur une fois que chaque nouvel élément est bien établi.
Une carte de base
Le point de départ du processus de design (la conception) est une “carte de base” : pour l’élaborer, on enregistre tout ce qui est déjà là, en évitant, à ce stade, d’ajouter ses idées. Elle deviendra le modèle pour toutes les futures cartes. Ce processus de design étant souvent décrit dans les livres de façon inutilement compliquée, retenez simplement qu’il y a trois étapes générales : la collecte d’information, la prise de décision et la mise en œuvre.
La collecte d’informations
Nous avons fait un relevé de notre site : nous avons ainsi appréhendé la forme du terrain, son aspect, ses pentes, ses sources d’eau, ses types de sol, le climat global et les microclimats, etc. Puis nous avons ajouté ces données à la carte de base. Une visite aux anciens propriétaires nous a fourni des informations précieuses sur la façon dont le terrain avait été utilisé. Par ailleurs, les gens qui nous ont vendu le terrain nous ont montré des photos qui nous expliquaient comment ils l’avaient transformé. Idéalement, cette “enquête” se déroule sur une année complète : on peut ainsi observer comment les conditions évoluent au fil des saisons.
La prise de décisions
Il existe de nombreux outils pour interpréter les informations obtenues comme la rédaction d’une liste de ce que l’on juge positif, négatif ou intéressant. À la base, le design n’est rien d’autre que l’intégration des principes de la permaculture dans une conception. Et les outils de planification sont le zonage, les secteurs, l’analyse réseau et des pentes qui nous aident à placer chaque élément idéalement. Il faut cependant rester flexible. Alors qu’il n’était pas forcément à la place que nous aurions choisie, nous avons réparé et réutilisé un poulailler existant plutôt que de le démolir et le refaire ailleurs.
Les décisions de design sont donc équilibrées entre nos désirs et ce que le terrain nous dicte. Cette étape aboutit à une proposition de conception en complétant sa carte avec des détails sur la future mise en œuvre
Mise en œuvre
Une mise en œuvre progressive rend le projet moins intimidant et la conception peut évoluer au fur et à mesure que l’on prend conscience de la fonction de chaque élément. C’est aussi en faisant des erreurs qu’on apprend. Ce n’est qu’après la mort, en plein hiver, d’un délicat et coûteux arbre aux cloches d’argent (Halesia Carolina) que nous avons enfin réalisé comment était exposée la parcelle de notre jardin-forêt. Depuis, nous avons planté une haie brise-vent qu’il nous aurait fallu installer dès le début.
Les fondamentaux
Il n’y a pas de manière infaillible de mettre en place son design. Il faut juste se lancer et ne pas se laisser rebuter. Quelques principes à retenir permettent de prendre les bonnes décisions :
Chaque élément est en relation avec les autres
Au cœur de la permaculture, on trouve la mise en relation judicieuse des éléments les uns par rapport aux autres. L’étape de collecte d’informations sert à prendre en compte ce qui est déjà là, en préservant ce qui serait utile ou en améliorant ce qui pourrait fonctionner. C’est seulement ensuite qu’on introduit des choses nouvelles. Nous avons eu toute latitude dans le choix de l’emplacement du potager et de la serre. La pente de notre terrain a déterminé leur position : nous avons fait en sorte que l’eau sortant du toit de la maison puisse les alimenter naturellement par gravité.
Chaque élément remplit plusieurs fonctions
Ce principe peut prendre la forme d’un jeu : essayer d’identifier toutes les fonctions possibles de chaque élément. Par exemple, une haie brise vent a pour but principal de protéger le potager des vents froids du nord. Mais les saules à croissance rapide qui la composent fournissent aussi du bois de chauffage (taillés tous les cinq ans). Quant à leurs chatons, ils nourrissent les abeilles affamées en début de printemps.
Chaque fonction est assurée par plusieurs éléments
Il s’agit d’avoir un système résilient, autrement dit, qui fonctionne toujours même si une partie est déficiente ou inefficace. Nous avons le projet de chauffer notre eau en utilisant une combinaison de panneaux solaires et poêle à bois – avec un thermoplongeur électrique, au cas où !
Efficacité énergétique
C’est ici que l’on rencontre le concept, fameux en permaculture, de “zonage”. L’important, c’est que tout ce qui réclame le plus notre attention soit placé au plus proche du centre de l’activité humaine, qui n’est pas défini par votre seule maison. D’autres trajets quotidiens, comme les visites au poulailler matin et soir, définiront des emplacements où votre surveillance est requise, comme le potager : ainsi, vous remarquerez rapidement si telle plante a besoin d’être soignée ou si la récolte de telle autre est imminente.
Des petits systèmes intensifs
Il est très souvent conseillé de commencer à petite échelle et de se développer uniquement au rythme où il est possible d’entretenir correctement son terrain. Entretenez l’existant avant de vous lancer dans de nouveaux projets. Croyez-en mon expérience, faire l’inverse est à la fois épuisant et démoralisant : j’ai souvent dû réparer ou carrément refaire des choses, ce qui entraîne une perte d’efficacité.
Bonnes attitudes
Tout marche dans les deux sens : avec de l’imagination, on peut transformer un problème en solution. Chez nous, il y avait une ancienne fosse à lisier, vestige de l’époque où notre terrain appartenait à une ferme. Il aurait fallu énormément d’énergie et d’argent pour ne serait-ce qu’enterrer cette énorme masse de béton armé. Au lieu de cela, nous l’avons utilisée pour notre mare, et sa structure et sa profondeur sont devenues des atouts.
Les étapes pour réaliser un design de permaculture
- Commencez par faire ou vous procurer un plan de votre terrain à l’échelle.
- Notez l’exposition.
- Indiquez l’existant : puits, arbres, haie, point d’eau, relief, etc.
- Faites un point sur la nature du sol, les zones humide, sèches, ventées ou non.
- Définissez chaque élément que vous souhaiteriez aménager sur votre parcelle (culture, forêt-jardin, mare…).
- Réfléchissez à ce qu’exige chaque élément. Par exemple une forêt-jardin nécessite x m2, x temps par semaine de travail, x kg de fruits estimés, telle exposition, etc. Analysez les besoins et les fonctions de chaque élément, afin de pouvoir créer des liens et les associer, à la fois entre eux, mais aussi avec la composition existante du terrain.
- Une fois cette analyse terminée, vous êtes en mesure de la retranscrire sur plan, en tenant compte de la gestion des éléments et d’un modèle économique si votre objectif est de vivre de cette microferme.
Ce travail préalable est fastidieux, mais il permet de réaliser un aménagement judicieux, tenant compte des ressources naturelles, des moyens humains, techniques et financiers. Si cette étape vous paraît trop compliquée, sachez que vous pouvez vous faire accompagner par un professionnel.
Stuart et Gabrielle Anderson