D’indéniables qualités
- La laine de mouton est une formidable matière première : renouvelable, recyclable, et abondante en France. Par ailleurs, la filière laine, en difficulté, a besoin de nouveaux débouchés pour maintenir ses outils de transformation.
- Sa conductivité thermique (lambda) est très bonne : 0,04 W/m.°C, équivalente à celle des laines minérales.
- Difficilement inflammable, la laine n’émet pas de fumées toxiques.
- Très agréable à poser et à manipuler, elle ne produit pas de poussières, et très peu de fibres inhalables.
- Très perméable à la vapeur d’eau, elle possède une étonnante capacité à absorber. Plus précisément : jusqu’à 33 % d’absorption de son poids d’eau, sans perdre ses capacités isolantes.
Quelques points faibles
- Une capacité thermique (déphasage) très moyenne ne lui permettant pas d’assurer un très bon confort d’été, à moins de l’associer dans ce cas à des panneaux de fibres de bois.
- Une transformation complexe : tonte, collecte et tri, battage, démêlage, lavage, cardage, aiguilletage ou thermoliaison… qui génère surcoûts et transports. Grâce à la mise en place de filières régionales, le prix reste cependant compétitif : 12 à 15 € TTC le m2 pour 10 cm d’épaisseur. Du reste, la question du bien-être animal face aux impératifs économiques fait débat du côté des défenseurs des droits des animaux.
- Enfin, la laine est essentiellement composée de kératine, une protéine que l’on retrouve aussi dans les cheveux, les ongles, les plumes… et dont se nourrissent les mites. En l’absence de traitement de protection, elles y font de très gros dégâts.
Attention à la laine brute
Plusieurs sortes de graisses sont secrétées pour protéger la fibre sur l’animal, notamment le suint. Il est soluble dans l’eau froide, mais assurerait une protection naturelle contre les mites. D’où l’idée d’utiliser de la laine brute non lavée en isolation, malgré une odeur forte qui persiste durant trois ou quatre mois. Certains auto-constructeurs s’en accommodent et font la promotion de cette solution sur des forums internet.
Combien de temps dure cette “protection” par le suint ? C’est la grande question. En tout cas, ceux qui adoptent ce choix prennent de gros risques. En effet, la plupart des réponses reçues à notre appel à témoignages concernaient la laine brute. En fin de compte, des infestations furent constatées au bout de quelques mois, devenant vite massives, avec une dégradation rapide de l’isolant. Même les traitements chimiques n’en viennent pas à bout. La maison peut devenir quasiment inhabitable. Les critères qui semblent favorables aux infestations précoces : climat humide et chaud, hivers doux… Seule véritable solution : retirer la laine, tout nettoyer et placer un autre isolant. Autant dire qu’il faut déconseiller l’usage de la laine brute pour l’isolation. Un autre témoignage reçu concernait des plumes de récupération, avec le même type d’infestation. D’autres fois, il s’agit d’isolants lavés et texturés, mais dont le traitement antimite a été défaillant.
Quelle protection alors ?
Débarrassée du suint et de son odeur, la laine (sous forme de panneaux ou de rouleaux) doit être protégée contre les mites. Trois traitements sont envisageables :
- Le sel de bore est souvent utilisé en traitement dans la construction (insecticide et fongicide). C’est une substance dite hydrophile. Néanmoins, pouvant affecter gravement la santé (si ingéré à forte dose), on ne peut le considérer comme inoffensif.
- La perméthrine (Konservan p10), un pyréthrinoïde neurotoxique, est remise en cause du fait de sa toxicité pour les organismes aquatiques et pour l’environnement. Pourtant, elle est employée chez une très grande majorité de fabricants.
- Une autre alternative, beaucoup plus écologique (éprouvée en laboratoire) : les huiles essentielles.
Des tests de vieillissement accéléré, réalisés avec le sel de bore, laissent espérer un effet protecteur de plusieurs décennies. Mais ce produit minéral, qui rend la laine inconsommable par les mites, restera-t-il lié aux fibres aussi longtemps que ce qu’on attend d’un élément de construction ? Faute de recul, il est difficile d’être catégorique. La confiance des consommateurs et des professionnels de la construction ne pourra s’acquérir que dans la transparence. C’est pourquoi, au niveau législatif, une certification a vu le jour grâce à l’Association pour la CERtification des Matériaux Isolants (ACERMI). Mais aussi, d’autres mesures plus générales, comme la réglementation thermique 2012 (RT 2012) ou la construction de bâtiments à énergie positive (BEPOS). Des gages de qualité qui s’opposent aux pratiques courantes de greenwashing.
Antoine Bosse-Platière