S. Moréteau |
Cet article est extrait du livre J’apprends à tailler mes arbres d’Alain Niels Pontoppidan.
LES ARBUSTES À FLORAISON ESTIVALE
La particularité des arbustes à floraison estivale, sur le plan de la physiologie, c’est qu’ils portent leurs fleurs directement sur les pousses nouvelles. Les rameaux nés au printemps évoluent dès la première année en branches florifères, aptes à fleurir à partir de la fin de l’été. L’altéa, le weigelia, le buddleia, le gattilier ont tous cette particularité en commun : leurs jeunes rameaux portent directement des fleurs.
La seconde année, la pousse émet des ramifications latérales, qui fonctionnent de la même manière et portent des fleurs l’année de leur apparition. À mesure que la branche florifère vieillit, elle devient moins productive et se trouve progressivement remplacée par les rejets nouveaux.
On taille traditionnellement ces arbustes en hiver pour obtenir le maximum de nouvelles pousses, car ce sont elles qui portent la floraison la plus spectaculaire. Donc, contrairement aux arbustes à floraison printanière, on s’abstient de les tailler en été pour éviter d’éliminer les pousses neuves avant qu’elles n’aient eu le temps de fleurir.
En rabattant les arbustes chaque année à 50 cm de haut, comme cela se pratique conventionnellement, on obtient une sorte de boule, de laquelle émergent au printemps une multitude de longues pousses rigides couvertes de fleurs. La partie ancienne, qui n’est jamais taillée, devient de plus en plus compacte et donne de moins en moins de fleurs.
En tenant compte du fait que les arbustes ornementaux ont la même dynamique que les autres arbres, c’est-à-dire qu’ils se régénèrent d’eux-mêmes naturellement, il est possible de les tailler très différemment. Au lieu de tout miser sur les rejets en rabattant les branches chaque année, il suffit de pratiquer une taille de rajeunissement, c’est-à-dire de supprimer les branches les plus vieilles et de conserver les plus jeunes et les rejets. Cette suppression des plus vieilles branches permet en même temps d’aérer cette touffe, de l’éclaircir et d’éviter qu’elle ne se ferme de plus en plus et ne réussisse plus à se régénérer. Le but étant d’amener de la lumière dans l’ensemble des ramifications.
Cette taille d’éclaircie-rajeunissement réussit très bien avec les arbustes à fleurs. Elle permet non seulement de les régénérer, de les aider à retrouver leur port naturel, mais aussi de favoriser une abondante floraison. De l’aspect de boules hirsutes qui uniformisent les jardins, on passe à une diversité de formes d’une grande élégance. La floraison est une période faste, mais éphémère. Le reste de l’année, c’est par son allure, par l’équilibre et la grâce de son port, que chaque arbuste signe sa contribution à l’harmonie du jardin.
La taille d’éclaircie conserve au buisson son élégance tout en favorisant la floraison.
LAISSEZ GRANDIR LES JEUNES ARBUSTES
Dans cette perspective, on comprend, une fois encore, que la première chose à faire, c’est de ne pas trop en faire ! Ne pas raccourcir, ne pas perturber la forme naturelle. Simplement, à l’issue de la première année après plantation, il est bon de rabattre la touffe à une vingtaine de centimètres pour l’étoffer, pour qu’elle émette de nouveaux rejets. Ensuite, on laisse faire afin de donner à l’arbuste le temps de prendre de l’ampleur et d’affirmer sa silhouette.
Ce dont il a besoin pendant cette période, c’est d’être bichonné, arrosé, désherbé, de façon à bien grandir. Peu à peu, le côté un peu raide et maigrichon de sa période juvénile fait place à un port étoffé et souple, avec des rameaux qui vont prendre, sous le poids des fleurs, une allure retombante. C’est seulement quand ce mouvement se manifestera qu’on pourra pratiquer une taille de rajeunissement. Difficile de fixer un délai précis, mais disons que 5 ans est un minimum.
De même que pour les fruitiers, cette taille a pour conséquence de favoriser le total déploiement des arbustes. La façon de les conduire évolue, leur gabarit augmente. Là où d’ordinaire il fallait deux ou trois plants pour occuper l’espace, il n’en faudra plus qu’un. Leur fonction évolue : on ne leur demande plus seulement de donner des fleurs et de meubler le jardin, mais d’occuper harmonieusement l’espace, de l’animer et de le mettre en mouvement.
Il peut être difficile d’évaluer l’encombrement définitif de chaque arbuste au moment de la plantation. Globalement, on peut multiplier par deux les distances recommandées par les pépiniéristes. Pour se faire une idée plus précise, il peut être utile de visiter quelques jardins publics pour y trouver des exemples d’arbustes libres, et ainsi estimer leur encombrement. Vous y trouverez aussi des arbustes taillés en boule ou en plateau. À vous de voir ce qui convient à votre jardin.
Un forsythia en forme libre.
A. Pontoppidan |
LES ARBUSTES À FLORAISON PRINTANIÈRE
Qu’en est-il du deuxième groupe d’arbustes, ceux qui fleurissent au printemps ? Le seringa, la viorne boule de neige, le deutzia, le cytise, ont ceci en commun qu’ils ne fleurissent pas sur le bois de l’année, mais sur le bois de l’année précédente. Les jeunes rameaux ne portent pas de fleurs l’année de leur apparition. Ils évoluent en branches florifères en cours de saison, qui porteront des fleurs l’année suivante.
Le point de vue de la taille conventionnelle consiste à ne pas les tailler en hiver pour éviter de supprimer les branches florifères prêtes à fleurir. On pratique donc une taille de nivellement à la fin du printemps, juste après la floraison. De telle sorte que l’arbuste réagisse en émettant des pousses nouvelles, qui fleuriront l’année suivante.
Sage précaution, qui permet de palier toutes les erreurs de taille éventuelle et d’assurer quand même une floraison abondante. Mais, là aussi, on obtient des arbustes au port rigide, en boule ou en touffe serrée, à l’image de ces forsythias surmontés de jeunes pousses couvertes de fleurs, mais raides et défleuris dans la partie basse.
Arbuste après une taille de nivellement.
S. Moréteau |
TAILLEZ QUAND VOUS VOULEZ…
Taillez les arbustes printaniers de la même manière que les arbustes à floraison estivale. Conservez les jeunes rameaux vigoureux (ce sont eux qui porteront le plus de fleurs) et supprimez le bois âgé, mal placé, dépérissant ou retombant au bout des arcures. Aérez, rajeunissez en préservant les pousses les plus jeunes. Comme pour les autres arbustes à fleurs, abstenez-vous d’intervenir les premières années pour laisser à la charpente le temps de se constituer.
La distinction classique entre floraison printanière et floraison estivale n’a plus lieu d’être dans ce contexte. Dans la mesure où on privilégie l’harmonie de la silhouette et l’élégance du port, et qu’on ne porte pas atteinte aux jeunes pousses prometteuses de floraison, il est tout à fait légitime de tailler tous les arbustes en hiver. Le principal avantage d’une taille hivernale étant qu’il est plus facile de différencier le bois jeune du vieux bois, et d’avoir une vision de l’ensemble de la touffe pour pratiquer une éclaircie équilibrée.
Floraison abondante d’un laurier-tin non taillé.
S. Moréteau |
Laurier-tin taillé en boule. Ces deux photos ont été prises à la même période.
S. Moréteau |
LES PERSISTANTS
Les arbustes persistants cultivés pour leurs fleurs, tels que le mahonia, le laurier-tin, le choisya n’ont pas besoin d’être taillés, ils fleurissent régulièrement sans qu’on ait à s’en occuper. Tout au plus un nettoyage pour enlever les fleurs fanées, après la floraison, peut contribuer à leur conserver un aspect bien net et pimpant.
En revanche, il arrive souvent qu’ils finissent par prendre trop d’ampleur et doivent être ramenés à des dimensions plus raisonnables. Si on se contente de les rabattre un peu comme on taille une haie, en coupant tout ce qui dépasse pour les rendre simplement moins volumineux, on perd toute l’élégance de leur forme naturelle. Pour les retailler harmonieusement, sans les déformer, il faut raccourcir les rameaux trop longs à l’aisselle d’une ramification latérale, en allant les chercher à l’intérieur de la touffe. Et ici, contrairement à ce que nous venons de voir à propos de la taille des arbustes, ce sont les rameaux jeunes, qui jaillissent du buisson avec vigueur, que l’on va supprimer en priorité ou en tout cas raccourcir sur un rameau latéral placé plus bas. En procédant de cette manière, les coupes sont cachées dans le feuillage, donc invisibles de l’extérieur, et le buisson conserve une forme équilibrée.
Taille d’un persistant. Les deux longues pousses a et b sont raccourcies en allant les couper à l’intérieur de la touffe sur leur point d’intersection (1) ou à la base d’un rameau latéral (2).
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La haie taillée connaît deux périodes de croissance, l’une au printemps et l’autre en été. Il était naguère conseillé non pas de tailler en hiver, mais deux fois dans l’année à la fin de chaque période de croissance, en mai et en octobre. La loi européenne interdit aujourd’hui de tailler les haies le long de parcelles agricoles entre le 16 mars (pour les particuliers) ou le 1er avril (pour les agriculteurs) et le 31 juillet. Même si cette loi n’est pas applicable pour les haies des jardins particuliers, la LPO (ligue pour la protection des oiseaux) recommande de s’abstenir de tailler pendant cette période. On taillera donc les haies une première fois avant la fin mars et une seconde fois en octobre, afin d’épargner les nids de nos amis les oiseaux.
Il est normal qu’une haie taillée s’épaississe au fil du temps, car on doit toujours laisser un peu de bois de l’année précédente pour obtenir de nouvelles brindilles. Il faut « rester dans le vert ». Afin de rééquilibrer la végétation et de ralentir cet élargissement, il est bon, chaque hiver, de tailler des portions de rameaux avec un sécateur. Au lieu de couper au ras, on rentre à l’intérieur de la haie, pour aller chercher des ramifications cachées, et on enlève un peu de fouillis. Cela va créer des trous, peu visibles à condition de ne tailler que des branches de 2 à 3 cm de diamètre et d’opérer petit à petit, chaque année. Les trous vont rapidement se regarnir par de nouveaux rejets partant de l’intérieur, qui seront plus faciles à tailler.
Taille de haie.
( a)Taille de nivellement classique.
(b) Les tailles complémentaires, à l’intérieur de la haie, sont faites en laissant des départs de ramification, des chicots (contrairement à la règle d’or du tailleur…) pour permettre l’émission de jeunes repousses
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Les haies libres ou les haies champêtres, procèdent d’un tout autre principe. On ne cherche pas à créer de barrière végétale, mais à produire un effet de lisière, qui laisse l’impression qu’il y a quelque chose derrière. Le terrain ne s’interrompt pas au niveau de la haie. La lisière n’est pas un mur qui arrête, mais une limite qui protège. Une telle haie occupe davantage d’espace qu’une haie taillée au carré, c’est indéniable. Cela dit, étonnamment, l’espace qu’elle borde a tendance à paraître plus grand, puisqu’elle ne l’arrête pas de façon rigide. Dans la campagne, il est facile de constater qu’un champ de 50 hectares d’un seul tenant paraît bien moins vaste qu’un espace de 50 hectares structuré en parcelles par des haies bocagères. Voilà l’effet recherché par la plantation de haies libres.
Haie taillée ou haie libre
La taille des haies procède d’un principe simple. On coupe régulièrement tout ce qui dépasse, à la cisaille ou au taille-haie. Toutes les pousses sont raccourcies et leurs bourgeons terminaux, leurs leaders, sont supprimés. La plante réagit en émettant quantité de petites brindilles, ce qui lui donne un port très ramifié et touffu. C’est la seule manière de procéder.
Alain Niels Pontoppidan