La fin des papillons de nuit à cause de l’éclairage public ?

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De moins en moins d’insectes, de moins en moins de pollinisateurs et des écosystèmes déséquilibrés en partie dus… à nos éclairages publics ! Une récente étude anglaise vient apporter de nouveaux éclaircissements sur les liens entre diminution des populations de papillons de nuit et pollution lumineuse.
Pollution lumineuse et insectes

Des insectes attirés par une lumière.
Е. Егорова | Pexels

En plus de perturber le comportement des papillons de nuit, l’éclairage public pourrait également contribuer localement à la diminution de leurs effectifs et affecter le développement des chenilles. C’est à cette conclusion qu’aboutit une étude anglaise, publiée en 2021 dans la revue Sciences advances. Pour les chercheurs, issus du Centre britannique d’écologie et d’hydrologie de Wallingford, et de l’association Butterfly conservation, les résultats sont clairs : « L’abondance des chenilles était considérablement plus faible dans les zones d’habitat éclairées par des lampadaires. » L’étude, menée dans le sud de l’Angleterre sur des chenilles de papillons de nuit – plutôt sédentaires –, compare des zones éclairées par des lampadaires avec des zones non éclairées, proches les unes des autres pour avoir des caractéristiques relativement similaires. 47 % de chenilles en moins dans les haies éclairées en comparaison avec les haies non éclairées, et plus d’un tiers en moins dans les bordures d’herbe éclairées. Les chenilles étaient cependant plus lourdes dans les zones éclairées que celles non éclairées, venant confirmer de précédentes expérimentations en laboratoire qui démontraient que « les individus stressés augmentaient leur taux de développement sous la lumière artificielle ». Une hypothèse avancée par les chercheurs est que les chenilles auraient eu « une alimentation intensive mais à des moments atypiques de la journée » : « C’est possible qu’une forme d’adaptation ou d’acclimatation se soit produite localement dans les zones éclairées, permettant aux chenilles nocturnes de devenir actives la nuit malgré l’éclairage. »

Les chercheurs affirment également que les impacts sur l’abondance locale, le développement et le comportement alimentaire étaient « plus prononcés pour les LED blanches que pour les lampes au sodium traditionnelles ». Si des études montraient que les lampes LED ont tendance à attirer autant, voire moins d’insectes que les lampes au sodium, et donc leur être moins dommageable, dans cette étude, cependant, les lampes LED ont eu des impacts négatifs plus importants sur les chenilles que celles au sodium. Les résultats suggèrent ainsi que le déclin des insectes lié à l’éclairage nocturne n’a pas pour cause principale le fait qu’ils volent vers la lumière. Les chercheurs évoquent plutôt « la diminution de la ponte dans les zones éclairées » comme « cause importante » du déclin, bien que d’autres facteurs puissent entrer en compte – tels que l’augmentation de prédateurs diurnes, en particulier les parasitoïdes. Ce constat est inquiétant, d’autant plus que, globalement, les villes recourent de plus en plus aux LED pour l’éclairage public.

Ces données devront être complétées par des études supplémentaires, mais aussi par des actions concrètes pour limiter ce déclin des insectes : « Les papillons nocturnes sont importants sur le plan fonctionnel pour les écosystèmes terrestres, notamment en tant que pollinisateurs, proies pour les vertébrés (par exemple les oiseaux et chauves-souris) et les invertébrés (araignées et guêpes), et sont des hôtes pour les parasitoïdes », rappellent les chercheurs. Avec environ 5 000 espèces de papillons de nuit en France, ces insectes, « souvent méconnus et sous-estimés, selon l’association Noé, sont essentiels à l’équilibre des milieux ». Leur diminution soulève ainsi « des inquiétudes quant au fonctionnement futur des écosystèmes ».

 

Madeleine Goujon

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