Plus de quarante jours consécutifs au-dessus des normales saisonnières entre le 11 avril et le 23 mai : la vague de chaleur qui a régné sur la majorité du pays en mai a été exceptionnelle. Des chaleurs inédites au printemps, à la fois en journée, avec des villes dépassant les 35 °C dans le sud du pays, ou la nuit – la station météo de Champagnole, à 540 m d’altitude dans le Jura, affichait près de 16 °C le matin du 21 mai… Cette vague de chaleur précoce a aggravé les risques de sécheresse alors que, contrairement aux deux années précédentes, il a peu plu cet automne et cet hiver, saisons cruciales pour la recharge des nappes souterraines. Entre janvier et mai, la métropole enregistre un déficit cumulé de précipitations de 35 % par rapport à la moyenne 1981-2010. Les déficits sont particulièrement marqués en Bretagne sud, Pays de la Loire, une partie de l’Aquitaine et de l’Auvergne, ainsi que dans le quart Nord-Est, la région Paca étant particulièrement touchée. Au point qu’à la fin mai, 16 départements étaient déjà touchés par des arrêtés préfectoraux de restriction d’eau. Cet été, de la Corse aux Hauts-de-France, et du Finistère à la plaine d’Alsace, aucune région n’est assurée d’échapper au manque d’eau, a annoncé dès le 18 mai le ministère de la Transition écologique.
PRESSION SUR LA RESSOURCE
Au niveau agricole, les tensions s’aggravent autour d’une ressource en voie de raréfaction, comme le symbolise la bagarre autour des “mégabassines” en Poitou-Charentes. Ces réservoirs, qui pompent l’eau en hiver dans les nappes phréatiques pour que les agriculteurs puissent irriguer en été, signent une fois de plus la fuite en avant de notre modèle agricole. Dans les années 1990 et 2000, celui-ci ne jurait que par les barrages, qui ont montré leurs limites, comme en témoigne le barrage de la Sep dans le Puy-de-Dôme, mis en service en 1994 et vide à l’été 2019. Tous les scientifiques le disent : sortir de l’eau des nappes phréatiques pour la laisser s’évaporer à l’air libre est un non-sens complet. Mais… les bassines sont devenues plus faciles à faire autoriser que les barrages, qui suscitent de violentes oppositions – rappelons-nous la mort de Rémi Fraisse lors de manifestations contre le barrage de Sivens en 2014. La Chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne ne s’est, elle, pas embarrassée de procédures pour construire le barrage de Caussade, déclaré illégal depuis sa mise en eau en 2019. Malgré son illégalité, le barrage est toujours là… La température monte, l’eau se fait rare, mais les méthodes ne changent guère.
Marie Arnould