Gestion des végétaux et écopâturage

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Les animaux domestiques peuvent intervenir dans la gestion des végétaux de trois manières : en fournissant des matériaux de paillage, par une activité de grattage et via le pâturage.

S. La Spina | Les animaux jardiniers

Cet article est extrait du livre Les animaux jardiniers de Sylvie La Spina.

Pâturage rime souvent avec prairie, mais pensez aussi aux autres zones du jardin : le gazon du jardin d’agrément, les chemins, le potager… Chaque animal peut participer à l’entretien des différentes zones du jardin. Les animaux domestiques comptent des espèces herbivores, non ruminantes comme les chevaux et les ânes, ou ruminantes comme les bovins, moutons et chèvres. Mais l’on peut aussi compter sur les volailles, omnivores, comme les oies, les canards et les poules.

Différentes méthodes d’écopâturage sont présentées dans le livre Les animaux jardinier, en décrivant les paramètres de choix des auxiliaires, les équilibres à trouver, les techniques permettant d’éviter le surpâturage. Dans cet article extrait du livre, nous verrons les applications possibles selon les zones du jardin, comment désherber au potager, le taille des haies et listerons quelques précautions pratiques.

 

APPLICATIONS SELON LES ZONES DU JARDIN

Quelle que soit la parcelle sur laquelle évoluent les animaux, prévoyez toujours une zone de couchage sèche, de l’ombre et de l’eau fraîche pour leur bien-être. Dans les lignes qui suivent, différents modes de gestion sont présentés en fonction des zones du jardin.


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Tondre une pelouse

Vous en avez assez de sortir la tondeuse chaque semaine ? Laissez la place aux moutons, oies ou canards, ou bien sortez la tondeuse-lapin ! Voici quelques éléments de réflexion pour vous permettre de choisir les animaux les mieux adaptés à votre situation.

La composition de votre jardin est un premier facteur à prendre en compte :

  • Vous avez une grande surface d’herbe à entretenir ? Installez un enclos temporaire à l’aide de clôtures mobiles pour des moutons, des oies ou des canards.
  • Au contraire, votre jardin est une mosaïque de massifs fleuris et d’arbustes parsemés de petits sentiers ? Optez pour les volatiles, ils conviendront mieux. Si vos plantes sont sensibles au bec des canards, tentez les oies, elles sont plus sélectives.
  • Vous passez régulièrement par l’endroit à entretenir et vous n’avez pas envie d’avoir les pieds crottés ? Privilégiez les canards plutôt que les oies ou optez pour les moutons, qui font des tas de petites crottes bien groupées.
  • Vos voisins sont un peu râleurs et n’aiment pas trop les bruits de la campagne ? Choisissez des animaux silencieux.
  • Les endroits à entretenir sont plutôt petits ? La tondeuse-lapin pourrait convenir !


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Entretenir un verger ou une parcelle arborée

L’entretien d’un verger, ou de toute parcelle arborée, compte deux enjeux : gérer l’enherbement (comme pour toute prairie) et préserver les arbres, soit par une protection robuste, soit par le choix d’animaux qui ne toucheront pas aux écorces, bourgeons, feuilles et fruits.

Protéger les arbres des dommages causés par les herbivores

À moins d’opter pour un désherbage par des moutons Shropshire ou par des volailles (voir plus loin), toute présence d’ongulés sur les parcelles arborées nécessite d’installer une protection sur les arbres. Plusieurs types de barrières sont possibles : corsets métalliques, simples piquets (3 à 4) munis d’un fil barbelé ou d’un treillis. La protection des arbres ne dispense pas d’une surveillance régulière : aucun système n’est infaillible.

  • Le corset métallique convient pour les bovins et les moutons, mais attention aux risques de frottements de l’armature sur le tronc. Il ne nécessite qu’un seul tuteur (deux en cas de « poussée » par les bovins) et est assez facile à placer, mais coûte cher. Surveillez la croissance de votre arbre : il sera nécessaire, après quelques années, d’agrandir le corset. Pour les moutons, ajoutez du treillis pour poules autour de la protection. Les chèvres risquent d’abîmer le corset en grimpant dessus, avec elles il vaut mieux prévoir un autre type de protection.
  • Le fil barbelé fixé à 3 ou 4 piquets convient aux bovins et chevaux et facilite l’accès au tronc pour la taille des gourmands. Il n’est pas suffisant pour les plus petits ongulés, pour lesquels un treillis de type Ursus sera mieux adapté, éventuellement doublé de fil barbelé. On prévoit en général des lattes transversales reliant les pieux pour plus de solidité. Une protection triangulaire (3 piquets) doit mesurer 1,50 mètre de côté pour les ovins, 2 mètres pour les bovins et caprins et 2,50 mètres pour les chevaux. Pour une protection carrée (4 piquets), prévoir 1 mètre de côté pour les bovins, ovins et caprins, et 1,50 mètre pour les chevaux.
  • La hauteur de la protection doit être adaptée aux animaux en fonction de leur taille au garrot et de leur agilité. On compte en général 2 mètres pour les chevaux, 1,60 à 1,80 mètre pour les bovins et caprins et 1 à 1,20 mètre pour les moutons.


Protection des arbres dans un enclos à daims à l’aide de piquets et de treillis.
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Les Shropshire, des moutons adaptés au pâturage de vergers

Une race de moutons, le Shropshire, est particulièrement adaptée à la gestion d’espaces arborés. Ce mouton à tête noire possède une laine blanche couvrant généralement la face jusqu’aux yeux. En raison de problèmes d’aveuglement dûs à la présence de cette laine, on a cependant resélectionné des individus à face glabre. Le Shropshire présente de très bonnes qualités bouchères, lainières et laitières, est prolifique et agnèle facilement. Il est rustique, peu exigeant sur la qualité du fourrage. Tous ces atouts en font un auxiliaire intéressant pour une microferme diversifiée et autonome.

Cette race anglaise était presque tombée en désuétude lorsque ses qualités en écopâturage ont été découvertes à la moitié du 19e siècle. L’élevage a alors connu un nouvel essor. Le Shropshire est donc maintenant régulièrement utilisé pour l’entretien de vergers, mais aussi de cultures de sapins de Noël. Son intérêt dansnle pâturage d’espaces arborés vient du fait qu’il n’a pas tendance à grignoter les écorces des arbres. De plus, sa laine dense lui permet de ne pas s’accrocher dans les branches. Le piétinement du sol par les adultes (bélier : 100-120 kg, brebis : 65-85 kg) rend le milieu inhospitalier pour les campagnols et autres rongeurs indésirés.

En verger, les Shropshire mangent les feuilles des arbres et leurs fruits, mais ne touchent pas aux bourgeons et aux écorces. Ils ne conviennent donc pas aux arbres basse-tige, mais plutôt aux demi-tige et haute-tige. Un avantage cependant : ils peuvent affaiblir les gourmands poussant à la base de l’arbre en mangeant le feuillage : il ne restera plus qu’à donner un petit coup de sécateur pour en venir à bout. En l’absence de protection du tronc, les moutons peuvent brouter l’herbe au pied des arbres, et donc bien limiter l’enherbement.

Lors de l’installation des animaux, pensez à leur mettre à disposition de l’eau fraîche à volonté ainsi qu’une pierre à sel à proximité de l’abreuvoir (mais au sec), qui compensera d’éventuelles carences minérales. Il conviendra de surveiller les béliers, qui ont tendance à se frotter la tête aux arbres pour marquer leur territoire. Si nécessaire, séparez-les du troupeau pour leur réserver une autre prairie. Les agneaux peuvent avoir tendance à « se faire les dents » sur des branches basses. Pendant les mois d’hiver, étant donné la faible valeur alimentaire de l’herbe, éloignez le troupeau des parcelles et apportez-leur du foin et, si nécessaire, un petit complément de céréales.

Pour trouver des animaux de race pure en France, vous pouvez vous adresser à l’Association Française du Mouton Shropshire (AFMS).


Sushi, une de nos brebis Shropshire, accompagnée de ses deux agneaux nés la veille.
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Mes Shropshire ont grignoté l’écorce de mes fruitiers : que se passe-t-il ?

Voici quelques raisons pouvant expliquer ce comportement inhabituel et comment réagir :

  • Facteur génétique : les moutons ne sont pas de race pure.
    • Quelle est leur origine ? Ont-ils tous les traits d’un animal de race pure ?
  • Facteur environnemental : les moutons sont en carence alimentaire.
    • Ont-ils une pierre à sel à disposition ?
    • Y a-t-il suffisamment d’herbe au pâturage ?
    • Sont-ils atteints par des parasites ? Bon à savoir : les moutons doivent pâturer « tête en bas » : s’ils commencent à chercher en hauteur, ils ont certainement une carence et doivent être retirés de la parcelle, et complémentés.
  • Facteur comportemental : un individu peut avoir découvert et adopté le comportement et les autres ont suivi par imitation (souvent, imitation de l’animal meneur).
    • Quels sont les individus qui ont adopté le comportement déviant ? Quand tout le troupeau a acquis ce comportement, il est difficile d’y remédier. Il faut alors soit remplacer le troupeau, soit lui interdire l’accès aux arbres.

 

Des volailles au verger

Poules, canards et oies peuvent avantageusement participer à la gestion d’un verger. Ils ne présentent pas de risques pour les arbres, sauf pour de très jeunes plants dont l’écorce est encore très tendre. Leur broutage permet d’entretenir au moins partiellement le couvert herbacé, et ils ont une action intéressante pour la lutte contre les ravageurs et maladies.

Pour éviter un épuisement de la végétation, il est intéressant de prévoir une rotation entre différents enclos. Les refus seront évités par un fauchage annuel des parcelles ou par un pâturage mixte en intégrant d’autres herbivores.


Des oies dans notre verger.
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Les oies de pâturage en Suisse

En Suisse, l’association « Weidegans.ch » encourage la mise en place d’un mode de production d’ « Oies de pâturage » chez les agriculteurs. Ce mouvement est animé par un souhait de développer une filière plus respectueuse du bien-être animal, et donnant une viande de qualité grâce à l’alimentation naturelle des animaux, leur activité physique et offrant une plus longue durée de vie que dans les élevages industriels. Informations : www.weidegans.ch

 

DÉSHERBER AU POTAGER

Le désherbage au potager peut se faire de plusieurs façons : soit par une consommation directe dans les parcelles de culture, soit par un broutage des intercultures et parcelles enherbées.

Dans le premier cas, l’utilisation des oies est l’unique moyen possible, mais il faut d’abord vérifier qu’elles ne s’en prennent pas aux cultures en place.

La traction animale est aussi utile pour le désherbage que pour le travail du sol. Des outils existent pour biner entre les lignes et pour refaire les buttes.


Les oies raffolent de racines de chiendent. Une bonne nouvelle !
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L’aide des oies dans notre microferme

Ce mode de gestion a été réalisé avec succès dans notre microferme pour des parcelles de pommes de terre, de courges ou de fraises. Par contre, nous avons observé une tendance à manger les poireaux et salades.

Le travail sur des parcelles d’interculture ou enherbées avant semis peut se faire par d’autres espèces (canards, poules, lapins). Nous avons observé que les oies raffolent des racines de chiendent, qu’elles attrapent de leur bec dans les parcelles légèrement travaillées. En peu de temps, elles nous ont aidés à gérer cette invasive à la ténacité décourageante !

 

TAILLE DES HAIES

Il est possible de faire entretenir une haie par des chèvres, dans le sens de la largeur, du côté de la clôture, mais il faut à la fois que les chèvres ne soient pas trop fugueuses, et savoir que la clôture sera mise à rude épreuve…

 

QUELQUES PRÉCAUTIONS PRATIQUES

Le pâturage suffit rarement à combler les besoins nutritionnels des animaux. Il faudra quasi systématiquement leur fournir un complément alimentaire :

  • Tous les ongulés doivent disposer d’une pierre à sel (sans cuivre pour les moutons).
  • Les chèvres ont besoin d’aliments fibreux : laissez-leur du foin à disposition, en libre-service, pendant toute l’année.
  • Les volailles sont omnivores : donnez-leur quotidiennement un mélange de grains concassées, et régulièrement du grit et des coquilles broyées, pour éviter les carences.

Les jeunes animaux ne seront pas mis au pâturage trop tôt. Chez les ovins et les caprins, il est possible de les laisser suivre leur mère, mais attention aux attaques de prédateurs (notamment le renard) pendant les trois premières semaines. Les jeunes volailles craignent également les prédateurs (rapaces, corneilles, renards, chats pour les plus jeunes poussins…).

Elles ont aussi besoin de chaleur. Dans le cas d’élevage par la mère, il y a en général peu de risque car d’instinct, la femelle prend soin de sa progéniture. Par contre, si les jeunes volatiles sont issus d’un élevage en couveuse, il conviendra d’être très prudent. Les poussins, canetons et oisons risquent de se refroidir pendant leurs six premières semaines de vie. Les jeunes palmipèdes sont aussi à risque de noyade.


Test de pâturage des oisons dans le potager. Vont-ils bien épargner les légumes ?


Un enclos temporaire permet de faire travailler les oies “sous contrôle”.


La poule prendra soin de ses poussins.


De jeunes canetons sont une proie idéale pour les pies et les corneilles.
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