Expérimentation : tomates, les jardiniers dégustent

La tomate, vous l’aimez comment? Fruitée? Juteuse? Fondante? Charnue? Sucrée? Un peu acide? Rafraîchissante ?Quelles sont les variétés qui se comportent le mieux dans votre jardin? Le choix offert dans les catalogues de graines est limité, au regard de l’immense diversité des variétés de tomates existantes  (plus de 10000 répertoriées par les connaisseurs !) et de l’étonnante richesse gastronomique de ce légume-fruit hors du commun.

Il y a quelques années, le Biocivam 11, association d’agriculteurs bio de l’Aude, a eu la bonne idée de s’intéresser à ce patrimoine largement méconnu, en allant notamment piocher dans les stocks de graines soigneusement conservées dans les congélateurs de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) d’Avignon. Objectif premier: évaluer des variétés de tomates rustiques, adaptées aux spécificités de la culture bio (diversité génétique, résistance aux maladies, adaptation aux terroirs…). Et surtout, rechercher une haute qualité gustative, pour répondre à la demande  d’un nombre croissant de consommateurs.

Beaucoup de semences paysannes de tomates permettent au jardinier de reproduire ses propres graines.
V. Jeannerot |

Pour cela, depuis 2005, des maraîchers testent plusieurs dizaines de variétés méconnues. En 2007, les 4 saisons se sont associées à la démarche: à l’appel lancé aux lecteurs dans le n°162 de la revue pour leur demander de participer à des essais variétaux dans leurs jardins, plus d’une centaine ont répondu!

Les modalités de l’expérimentation

Chacun des participants a pu choisir les variétés qu’il souhaitait tester dans un catalogue en comportant une quinzaine. Nous leur avons demandé de préciser leur méthode de culture : fertilisation, paillage, arrosage… et de qualifier chacune des variétés testées : rendement, résistance aux maladies, saveur…

L’enthousiasme de départ n’a pas été douché par le mauvais temps qui a sévi durant une grande partie de l’année, avec notamment des pluies au printemps et en été qui ont mis à mal bien des cultures: le mildiou a fait des ravages, au nord comme au sud, avec un pic en Bretagne. Malgré tout, 44 jardiniers sont allés jusqu’au bout, en nous renvoyant les résultats de leurs essais.

Pour chacune des variétés testées, une fiche d’observation devait être remplie : date de première récolte, poids total de récolte, critères gustatifs (arôme, texture en bouche, sucrosité..), rendement comparé avec les variétés habituellement cultivées, aspect visuel, défauts éventuels (fentes, collet vert..), sensibilité aux maladies…

Près de 200 jardiniers ont participés à l’expérimentation en 2008.
JJ. Raynal |

Les variétés testées 

• En 2007, les tests ont été complétés par des dégustations sur les marchés, pour avoir un large panel d’observations sur les qualités gustatives des tomates. Au final, 6 variétés sont arrivées en tête : ‘Beef Taninges’, ‘Améliorée de Monthléry’, ‘Russe’, ‘Bargemont’, ‘Fenhong Tianru’ et ‘Pinguan 7’. 
• En 2008, le hit-parade a donné en tête deux de l’année précédente, ‘Beef Taninges’ et ‘Améliorée de Monthléry’ et trois autres : ‘Zuckertraube’, ‘Zongshu 5’, ‘Goldene Königin’.
• En 2009, les 5 meilleures ont été ‘Zuckertraube’, ‘Zongshu 5’, et trois nouvelles ont fait leur apparition : ‘Caro Red’, ‘Dwarf Champion’ et ‘De Vilvorde’. 

Sur les trois ans, 4 variétés sortent du lot : ‘Zongshu 5’, ‘Zuckertraube’, ‘Améliorée de Monthléry’ et ‘Beef Taninges’. 

Le goût à l’honneur

Voici donc un tour d’horizon de quelques variétés méritantes : les appréciations des jardiniers-expérimentateurs sont complétées par les principaux résultats issus des tests effectués par le Biocivam 11, lors de dégustations réalisées sur les marchés en 2005 et 2006, et de journées d’analyse sensorielle animées par un spécialiste des arômes et des parfums, Mickaël Moisseeff.

L’objectif de l’expérimentation: analyser les variétés de la sélection en prenant en compte rusticité, adaptabilité aux pratiques bio et qualités gustatives.
JJ. Raynal |

C’est reparti pour 2008 !

Il serait un peu frustrant de rester sur les essais de l’année passée. D’ailleurs, nombre de jardiniers ayant participé se sont dit prêts à recommencer cette année. Voici quelques conseils pour limiter au mieux les problèmes rencontrés sur vos cultures de tomates en 2007.

• Assurez un bon enracinement, pour obtenir des plantes plus vigoureuses, moins sensibles aux aléas Jean-Luc Brault, maraîcher bio et producteur de semences (Graines del Païs) conseille: « j’arrose copieusement à la plantation, puis j’attends, jusqu’à ce que la plante montre des signes de flétrissement, avant d’arroser à nouveau. Je fais ainsi deux fois de suite. Cette pratique encourage la plante à s’enraciner en profondeur. »
• Prévenez le cul noir (ou nécrose apicale): il ne s’agit pas d’une maladie, mais d’un accident de parcours lié à une déficience en calcium, le plus souvent provoquée par un manque de régularité dans l’irrigation. Pour assurer un arrosage régulier au moment de la fructification, tenez compte du sol : est-il plus ou moins sableux (perméable) ou argileux? Arrosez modérément, mais de façon rapprochée dans le premier cas (tous les 1 à 2 jours), ou espacez les arrosages, mais qui seront plus copieux, dans le second. Quand arroser? Grattez la terre sur quelques centimètres de profondeur : elle doit toujours rester humide. Le paillage est un excellent complément.
• Stoppez le mildiou. C’est la maladie la plus redoutable et la plus courante sur tomate (même si d’autres maladies, comme l’altérnariose, existent). En bio, les moyens de lutte sont essentiellement préventifs. Dans une situation comme celle vécue en 2007, le mildiou est très difficile à contrecarrer. La meilleure parade reste encore une protection par une couverture plastique, la bouillie bordelaise restant insuffisante. Essayez le cuivrol, un produit peu dosé en cuivre, mais riche en oligoéléments. Il est toujours fortement conseillé de fortifier les plantes, en recourant par exemple à l’ortie. Des essais menés il y a quelques années ont montré l’intérêt du purin d’ortie en arrosage à la plantation (dilution 1 pour 10),puis en pulvérisation sur la plante, toutes les trois semaines environ (dilution 1 pour 20).

‘Beef Taninges’ et ‘Améliorée de Monthléry’ ont été les variétés les plus plébicités en 2007.
V. Jeannerot |

Résultats: les variétés préférées 

La tomate ‘Russe’ : Plébiscitée pour sa saveur, c’est une très grosse tomate à la chair dense et juteuse, avec peu de graines, mais à la peau fine (donc sensible à l’éclatement). L’ensemble des jardiniers qui l’ont testée lui ont donné une bonne note générale, quelle que soit la région où elle a été cultivée… C’est une variété tardive, mais productive. Elle est excellente en salade ou farcie.

‘L’Améliorée de Montlhéry’ : Cette vieille variété originaire de la région parisienne a également été très appréciée lors des dégustations. Dans le Nord de la France, elle semble avoir mieux résisté au mildiou que d’autres variétés du test. François Delmond, de Germinance, l’a retenue pour son catalogue : «l’Améliorée de Montlhéry est du type ‘Saint-Pierre’ ou ‘Merveille des Marchés’, en plus fruitée et plus charnue, très rouge», explique t-il.

‘Bargemont’ : Ses beaux fruits allongés, rouge orangé, ont intéressé les jardiniers qui ont apprécié sa vigueur et sa robustesse. Le plus gros fruit récolté pesait près de 500 g! Côté saveur, elle a fait un tabac lors des dégustations sur les marchés, mais les résultats ont été plus contrastés chez les jardiniers…

‘Beef Taninges’ : Elle ressemble à la ‘tomate des Andes’, en plus ventru. Sa forme et sa couleur sont attrayantes, ses fruits sont charnus. Sa chair, rose, est fondante, décrite comme douce et rafraîchissante, à déguster quand le fruit est encore ferme… Malgré des conditions climatiques défavorables, les 13 jardiniers amateurs qui l’ont testée veulent la reconduire en 2008.

‘Fenhong Tianru’ : Cette variété, comme la suivante, est originaire de Chine. Elle donne des fruits roses à la peau fine. Les jardiniers trouvent les fruits plaisants en général, notamment par leur couleur. Son goût est prononcé, mais un peu acide. Elle se déguste légèrement molle. Inconvénient : elle n’a pas une belle présentation en salade.

‘Pinguan’ : Des avis très partagés, mais aussi des inconditionnels pour cette belle tomate jaune orangé aux fruits arrondis. Là où la culture a bien donné, la ‘Pinguan’ a été très appréciée pour son goût, sa texture « ferme et agréable », et sa couleur. Cette variété offre de bons rendements.

La tomate ‘Russe’ a été plébiscitée pour sa saveur.
A. Bosse-Platière |

Rémy Bacher et Rosalie Geiger