Des produits bio contenant des pesticides ?

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Depuis 2011, l’oxyde d’éthylène utilisé en tant que pesticide et biocide est interdit en Union européenne. Pourtant, la substance considérée comme cancérigène est retrouvée dans des produits alimentaires tant conventionnels que biologiques depuis septembre 2020. Les produits concernés font l’objet de rappels, mais leur liste ne fait que s’allonger.
Des produits bio contenant des pesticides ?

Des graines de sésame mais aussi des épices sont concernées par la contamination à l’oxyde d’éthylène.
T. Drndarski | Unsplash

Depuis l’année dernière, de nombreux produits alimentaires biologiques et conventionnels ont fait l’objet de rappels, avec recommandation de ne pas les manger. En cause, la présence d’oxyde d’éthylène dans du sésame, du psyllium, des épices, de la gomme de guar et de la gomme de caroube. En tant que fongicide et bactéricide, l’oxyde d’éthylène est encore utilisé dans de nombreux pays (Inde, Turquie, Vietnam, Chine…), pour éviter les moisissures sur les produits alimentaires et leur contamination aux salmonelles. Pourtant, ce composé organique a été reconnu dès 1994 comme pouvant causer le cancer sur les humains par le Centre international de recherche sur le cancer et est également classé toxique pour la reproduction.

Décelé en septembre 2020 par les autorités sanitaires belges sur des lots de graines de sésame provenant d’Inde, le produit chimique pouvait atteindre des teneurs « jusqu’à 186 mg/kg » selon 60 millions de consommateurs, soit « une valeur 3 500 fois plus élevée » que la limite maximale de résidus autorisée par la règlementation européenne – 0,05 mg/kg. Or ces sésames contaminés ont été utilisés pour la préparation de milliers de produits transformés de dizaines de marques… biologiques ! Celles-ci pouvant être trouvées tant en grande et moyenne surface – telles que Bjorg, Bio village ou Cereal bio – qu’en magasins spécialisés – telles que Bonneterre, Biocoop, Markal, etc.

Pour se justifier, les marques ont argué que l’oxyde d’éthylène ne figurait pas dans la liste des pesticides à contrôler, son utilisation étant interdite en Europe. Cependant, le règlement européen 178/2002 requiert des fabricants de pouvoir « retracer, à travers toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution, le cheminement d’une denrée alimentaire », et surtout, comme le rappelle l’ONG Food Watch, de ne pas « mettre sur le marché des aliments non conformes à la réglementation ». En l’espèce, « des opérateurs se posent en victimes, renvoyant la balle à l’Inde…, explique l’ONG, comme si les fabricants n’étaient pas censés inspecter ou auditer leur chaîne d’approvisionnement et s’assurer de la conformité des produits qu’ils commercialisent ».

La situation est d’autant plus problématique que les produits bio sont aussi touchés que les produits  conventionnels. 60 millions de consommateurs s’interroge : « le sésame bio est-il traité dans les mêmes usines que le sésame conventionnel ? » Des investigations « en lien avec la Commission européenne » sont en cours selon la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). En attendant, depuis la décision en juillet de la Commission, des « mesures de retrait/rappel des produits contaminés » ont été prises. Glaces et sorbets, pain, falafels, foie gras, biscuits, condiments, compléments alimentaires et plats cuisinés, c’est un total impressionnant de plus de 4 000 produits qui sont concernés. Vous pourrez trouver la liste complète régulièrement mise à jour sur le site de la DGCCRF, avec notamment un tableau Excel dans lequel vous pourrez effectuer la recherche des produits que vous détenez. 

 

Madeleine Goujon

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