Victor Franquet, en BTS gestion et protection de la nature, mesure la profondeur de la mare naturelle de Terre vivante, bien amoindrie par la sécheresse.
J.-J. Raynal |
La perte de biodiversité n’est plus à démontrer : selon le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature, « 14 % des mammifères, 24 % des reptiles, 23 % des amphibiens et 32 % des oiseaux nicheurs sont menacés de disparition » en France métropolitaine. Même si de véritables changements sociétaux et gouvernementaux sont nécessaires pour limiter cette érosion, une manière de protéger la biodiversité à notre niveau peut passer par la création d’aménagements écologiques pour fournir aux différentes espèces des habitats et espaces pour vivre, se nourrir, se reproduire et se déplacer en toute sécurité.
Au Centre Terre vivante, le nombre d’aménagements écologiques est renforcé d’année en année. À l’été 2022, Victor Franquet, en BTS gestion et protection de la nature à Vienne, a cartographié et inventorié les aménagements existants : au total, ont été recensés 70 mètres de murs en pierre sèche, 705 mètres de haies, 30 mares, 6 hibernacula – des refuges servant à l’hibernation de différentes espèces, notamment des serpents ou lézards –, 3 sites de ponte pour des couleuvres, 14 316 m2 de prairies, 128 souches, 193 arbres d’intérêt écologique, sans compter tous les bois morts et tas de branches.
La carte du Centre Terre vivante et les aménagements inventoriés par Victor Franquet.
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Les aménagements sont généralement naturels mais relèvent d’une décision humaine, comme laisser du bois mort sur place plutôt que de le retirer du site pour permettre aux insectes xylophages de se nourrir et, par ricochet, favoriser les oiseaux insectivores ou les espèces nichant dans les cavités du bois mort (chauve-souris, chouette…). Bactéries et champignons y trouvent aussi leur compte. Les haies, relativement proches les unes des autres, accueillent également insectes et oiseaux, et agissent en corridor écologique permettant aux mammifères et autres animaux de se déplacer sans être vus. Avoir plus de milieux ouverts (comme des prairies) est intéressant pour les espèces qui vivent dans ces milieux, ainsi que pour celles qui vivent en milieu fermé (comme les forêts) mais chassent en milieu ouvert. « Ce n’est pas intuitif de couper des arbres pour protéger la biodiversité, mais les prairies sont nécessaires pour avoir le plus d’espèces possibles », indique Victor Franquet. Il n’est pas pour autant question de raser la forêt ! Pascal Aspe, chef-jardinier du centre, entend du reste faire entrer une partie des 50 hectares de Terre vivante dans le réseau Frene (Forêts en libre évolution naturelle) et la faire classer en « libre évolution » : aucune intervention humaine n’y serait ainsi programmée.
Victor Franquet mesure la profondeur d’une autre mare de Terre vivante.
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L’idée derrière ces aménagements à Terre vivante est aussi pédagogique. « Pas besoin de beaucoup de place ou d’un immense terrain, pas besoin de beaucoup de technique ou de matériaux pour rendre service à la biodiversité », explique Pascal Aspe. Il est ainsi possible d’œuvrer de chez vous pour la protection de la faune et de la flore : soit en appliquant des « principes de gestion favorables », en laissant sur place les bois morts ou en ne fauchant pas les herbes hautes, soit par des « constructions écologiques complémentaires d’accueil », comme créer des sites de ponte pour les reptiles ou des abris d’hivernage pour les hérissons. En plus de favoriser la biodiversité, les aménagements écologiques rendent également des services au jardin potager : « On a augmenté le nombre de mares pour avoir plus de crapauds, et ça résout en partie nos problèmes de limaces », ajoute le chef-jardinier.
L’inventaire des aménagements au Centre Terre vivante ayant été fait, il sera désormais nécessaire « de tester leur fonctionnalité, poser des pièges-photos et refaire des inventaires des populations pour donner suite à celui mené par la LPO en 2017 », conclut Pascal Aspe.
Madeleine Goujon