Symptômes et dégâts de la courtilière
On l’appelle aussi grillon-taupe, ce qui illustre bien les principales caractéristiques de cet étonnant insecte. Membre de l’ordre des orthoptères, qui comprend criquets, sauterelles et grillons, il comporte comme eux des pattes postérieures sauteuses très développées et est capable de produire un chant – des stridulations assez douces, émises par le mâle les soirs de printemps – en frottant ses élytres l’une contre l’autre. Mais la courtilière, Gryllotalpa gryllotalpa, se distingue surtout de ses cousins les grillons par une paire de pattes antérieures fouisseuses d’une dimension et d’une puissance exceptionnelles, qui font penser à celles de la taupe. De véritables pelles, armées de dents coupantes, qui leur permettent de creuser les galeries où elles vivent et, pour notre malheur, de couper toutes les racines qu’elles trouvent sur leur passage. La bête est robuste, de couleur brun jaunâtre, et mesure jusqu’à 5 centimètres de long.
Carte d’identité du nuisible
Si les passionnés d’entomologie s’inquiètent de la raréfaction de ce curieux insecte (voir le n° 81 page 51 des 4 saisons), il faut avouer que les jardiniers, eux, s’en réjouissent sans trop d’états d’âme. La courtilière est en effet un véritable fléau pour le potager : dans sa chasse incessante aux vers de terre et autres invertébrés du sol – ses proies préférées – elle soulève les semis, coupe, ronge et dévore toutes les racines, sans dédaigner les bulbes, tubercules et collets… Sur le trajet de ses petites galeries peu profondes, elle sème un vrai carnage, surtout au printemps, ce qui lui vaut une haine tenace de la part des maraîchers et des jardiniers.
Rien n’arrête la progression de la courtilière, qui coupe toutes les racines en creusant ses galeries.
© Christian Galinet
Dans les terres riches, légères ou sablonneuses où elle se plait, elle fait l’objet d’une guerre sans merci depuis des générations, et figure parmi les principales victimes du sinistre lindane, aujourd’hui interdit. Est-elle pour autant menacée de disparition ? Il est vrai qu’on ne s’en plaint plus guère du côté des professionnels dont les conditions d’exploitation ont beaucoup changé : cultures sous abri, outils de travail du sol rotatifs, généralisation de l’usage des pesticides et de la désinfection des sols… Mais bien qu’en régression, elle est toujours présente dans bon nombre de jardins, comme l’atteste l’enquête menée en 1993 parmi nos abonnés. Elle apprécie surtout les terres humides… et les tas de compost.
Mode et cycle de vie de la courtilière
La femelle pond en juin entre 200 et 300 œufs, dans un nid souterrain gros comme le poing qu’elle a façonné au préalable. Entouré de galeries périphériques, il est desservi par un boyau principal et situé de préférence dans un endroit ensoleillé où la terre est tassée (une allée de jardin par exemple). La femelle surveille œufs et larves jusqu’à leur départ du nid, un mois après la ponte. Les larves subissent ensuite deux mues avant de creuser leurs propres galeries pour hiberner (les pattes fouisseuses n’apparaissent qu’après la deuxième mue). Il leur faudra encore trois mues, la saison suivante, pour atteindre le stade adulte, et un nouvel hivernage avant de pouvoir se reproduire et terminer assez vite leur existence.
Entre temps, leurs principaux ennemis naturels, taupe, hérisson, rapaces nocturnes, musaraignes, corneilles, merles et étourneaux, auront – heureusement – contribué à réduire leurs effectifs. Mais il faut leur rendre justice : si elles n’avaient cette fâcheuse habitude de s’en prendre aux racines de nos plantes potagères et aux vers de terre, les courtilières seraient considérées comme un utile prédateur. Leurs proies préférées sont en effet les larves de taupins, les vers blancs et gris, divers petits coléoptères ainsi que des limaces.
Moyens de lutte et traitement
Préserver leurs ennemis naturels, éviter les excès de fumure, surveiller et éventuellement déplacer le tas de compost (loin du potager) sont des mesures préventives utiles, à défaut d’être suffisantes.
Une réduction plus importante des effectifs sera obtenue avec le piégeage et surtout la destruction des nids. Quelques méthodes biologiques ont fait leurs preuves :
- l’une d’elles consiste à repérer tout d’abord le passage des courtilières sur le sol (notamment au crépuscule) et à enterrer au ras du sol, sur leur passage, dès le mois d’avril, des récipients à parois lisses profonds de 10 centimètres ;
- on peut également les piéger avant l’hiver en creusant des rigoles profondes de 30 centimètres remplies de fumier frais et recouvertes de 10 centimètres de terre fine. Larves et adultes viendront y trouver refuge. Il suffira de les mettre à jour par grand froid pour les détruire ;
- la destruction des nids est plus délicate, car ils ne sont pas faciles à trouver. Lorsque l’on trouve une galerie, il faut la suivre délicatement avec l’index jusqu’à ce que l’on rencontre une descente verticale, qui conduit généralement au nid. Cette galerie étant dégagée, versez-y deux ou trois petits verres d’huile de table usagée (surtout pas d’huile de vidange, comme cela a été parfois conseillé), puis ajoutez lentement de l’eau, jusqu’à ce que les courtilières remontent à la surface. Les œufs et les larves sont asphyxiés, il ne reste plus qu’à “s’occuper” des adultes ;
- le piégeage peut également se pratiquer l’été, en période sèche. Creusez un petit sillon à la binette entre deux cultures infestées. Arrosez-le abondamment et recouvrez-le d’une planche. Soulevez la planche une ou deux fois par jour et emparez-vous des courtilières qui prennent le frais ;
- signalons qu’il existe aussi un moyen de lutte biologique, qui consiste à répandre des nématodes parasites des courtilières (Steinernema scapterisci), mais ces préparations ne sont pas disponibles en France ;
- enfin, le jardinier désespéré pourra toujours essayer le remède ultime : introduire dans son jardin le pire ennemi des courtilières… quelques taupes !
Antoine Bosse-Platière