Symptômes
Signalés en Alsace en 2003 (mais sans doute apparus un ou deux ans avant), les dégâts observés par une agricultrice du Haut-Rhin sur ses poireaux ne ressemblaient à aucun de ceux pouvant être attribués aux ravageurs habituels de ce légume. Alerté, Yves Bouchery, chercheur de la station Inra de Colmar, observe notamment de nombreuses petites pupes (sortes de capsules de couleur brune qui protègent la nymphe) sur le fût des poireaux, à l’extrémité de galeries verticales.
À la base du fût, à l’extrémité de galeries verticales, on observe de nombreuses pupes.
© J. Grosson
D’autres attaques similaires sont ensuite signalées en Lorraine et en Franche-Comté par des jardiniers amateurs et de petits producteurs. Certaines ont lieu dès le printemps et sont souvent fatales aux jeunes plants, d’autres à l’automne sur des poireaux plus développés qui survivent, malgré la présence de nombreuses larves. Les feuilles présentent des traces de galeries verticales qui ne pourrissent pas – comme dans le cas de la mouche de l’oignon – mais éclatent avec la croissance, d’où une certaine déstructuration du plant, avec déformations et poussées latérales des feuilles centrales.
Une pupe mesure 3,5 mm.
© J. Grosson
Carte d’identité
Reste donc pour Yves Bouchery à identifier l’agresseur. Ses recherches documentaires le mettent rapidement sur la piste d’un diptère (ordre d’insectes à deux ailes qui comprend notamment les mouches) signalé comme nuisible aux Allium dans de nombreux pays de l’Est de l’Europe. Un spécialiste de ce groupe confirme qu’il s’agit bien de Phytomyza gymnostoma, la mouche mineuse du poireau, qui n’était jusqu’alors pas présente en France. C’est une petite mouche grisâtre d’environ 3 mm de long, dont les larves jaune pâle – qui mesurent jusqu’à 6 mm – creusent des galeries (des mines) dans les feuilles, entre les deux épidermes. Depuis les premiers cas observés en Alsace, toutes les régions limitrophes ont été touchées ainsi que le Centre, la Bretagne et le Nord. Ce nouveau ravageur s’attaque surtout au poireau et à la ciboulette, mais on le trouve aussi sur l’oignon, parfois sur l’ail et l’échalote ainsi que sur un Allium sauvage, l’ail des ours.
Cycle et mode de vie
La mouche adulte passe l’hiver sous forme de pupe brun rougeâtre de 3,5 mm de long, dans les tissus de la plante qu’elle a infestée. L’émergence a lieu en fin d’hiver, mais on ne connaît pas encore précisément les conditions de son déclenchement (température, durée du jour…).
Ces traces blanches sont caractéristiques de la présence de la mouche mineuse.
© J. Grosson
Les adultes ailés qui émergent de la pupe s’accouplent peu de temps après et les femelles viennent se poser sur les feuilles de leur plante hôte, à la fois pour se nourrir et pour pondre. Leurs piqûres nutritionnelles décolorées et régulièrement alignées au bord des feuilles sont très caractéristiques. Les femelles se nourrissent des gouttelettes de suc qui perlent de ces piqûres, puis pondent leurs œufs à l’intérieur des tissus. Les larves creusent des galeries relativement rectilignes à l’intérieur des feuilles en se dirigeant vers la base du fût. Il y a une deuxième génération à l’automne, puis la larve se transforme en pupe pour passer l’hiver.
Moyens de lutte
Chaque nouvelle région infestée semble d’abord connaître trois années de fortes attaques. Bien que l’on connaisse encore mal les ennemis naturels de cette mouche, des scientifiques serbes ont montré qu’un hyménoptère parasite commençait à réguler les populations à partir de la quatrième année de présence. Une piste sérieuse pour le développement de futurs moyens de lutte biologique.
La mise en place de voiles anti-insectes à maille de 0,8 ou 0,5 mm en fin d’hiver et à l’automne (période des vols) semble la seule méthode efficace, à condition que la pose soit très soigneuse (la mouche est capable de trouver le moindre passage) et que les feuilles ne soient pas en contact avec le voile (sinon la mouche pondra à travers). Pour cela, pensez à utiliser des arceaux, ils permettent au filet de ne pas être en contact avec les poireaux. Cela permet aussi de ne pas créer un terrain favorable aux maladies.
En prévention, il est indispensable d’éliminer très soigneusement toutes les pupes dans les déchets de culture (attention, elles peuvent se déplacer et survivre dans un compost).
Enfin, on peut décaler ses semis afin qu’il n’y ait pas de plante hôte pour la mouche dans le jardin au moment des vols. Tout cela demande une meilleure connaissance des dates de vol et la mise en place d’avertissements agricoles, à relayer pour les jardiniers amateurs. Cela permettra aussi de tester d’autres techniques : piégeage ou traitement.
Antoine Bosse-Platière